Vendredi 2 mai [2008]
Toujours fatigué et sans énergie. Première course en ville, seul, depuis que je suis sorti de l'hôpital. Je découvre que je suis paniqué, comme si je devais tout réapprendre.
Songeant à ce que j'écrivais hier, à l'expérience du « retour sur terre », je sais que lorsque je me suis réveillé à l'hôpital aux soins intensifs et à l'isolement avec pour tout contact avec l'extérieur les rares visites des infirmières, j'ai pensé à un autre épisode des Antimémoires. Les pages de Lazare dans lesquelles Malraux revient sur ce qu'il appelle « l'étrange maladie du sommeil » qui l'a frappé durant les dernières années de sa vie, son corps se dérobant alors jusqu'à tomber en syncope, mais sans nulle souffrance et la plupart du temps sans perte de conscience.
D'une certaine manière, c'est bien ce qui m'est arrivé dans les moments de paralysie et d'aphasie dont je me souviens avant mon transport en ambulance. Je ne souffrais pas, je n'étais pas même angoissé ni inquiet à l'idée que je puisse demeurer dans cet état ; j'étais seulement le spectateur incrédule et détaché de ce qui m'arrivait. De même, lorsque je me suis retrouvé aux soins continus, je n'ai ressenti nulle crainte, aucune peur, éprouvant seulement avec une étrange tranquillité d'esprit que j'étais bel et bien vivant. Et cela suffisait. La douceur de la vie se confondait alors pour moi avec le beau visage de l'infirmière blonde aux cheveux ébouriffés me surveillant derrière la vitre du sas de sécurité.
© Editions de l’Aire, 2009.
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