D/1960.04.29 — André Malraux : «Intervention à l’Assemblée nationale»

André Malraux, «[Intervention à l'Assemblée nationale, séance du 29 avril 1960]», intervention concernant la «conservation des sites et des monuments historiques» et les «commissions des sites départementales». Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Assemblée nationale [Paris], n° 13 AN, 30 avril 1960, p. 553-554.


 

André Malraux 

 

«Intervention à l'Assemblée nationale, séance du 29 avril 1960

(Conservation des monuments et les ressources)

 

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'intérêt des questions posées par M. Jean-Paul Palewski a déjà, évidemment, retenu l'attention des services du ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles.

Ceux-ci se sont toujours déclarés favorables à toute mesure qui obligerait les collectivités locales à contribuer aux dépenses qu'entraînent la préservation de leur patrimoine historique ou le développement de leurs activités culturelles.

En ce qui concerne spécialement les monuments historiques, il n'est pas admissible que ces collectivités, lorsqu'elles ne sont pas dénuées de ressources, se refusent à prendre une part quelconque des frais que nécessite la conservation de monuments qui constituent l'attrait des lieux et dont elles tirent directement ou indirectement, souvent, des profits non négligeables. Bien que rare aujourd'hui, le fait se présente encore parfois et, en ce cas, il est très regrettable que l'Etat, pour éviter la dégradation ou la ruine de monuments précieux, se trouve contraint de se substituer à la carence locale.

Mais la première question posée par M. Jean-Paul Palewski concerne essentiellement et en premier lieu le ministère de l'Intérieur, tuteur légal des administrations locales et de qui relèvent, par suite, toutes les questions intéressant leurs finances. Le code de l'administration communale énumère limitativement les dépenses déclarées obligatoires pour les départements et les communes et pouvant, par suite, être inscrites d'office à leur budget. Cette liste limitative ne peut être modifiée que par une loi. En conséquence, le vote par le Parlement d'une disposition présentée par les ministres de l'Intérieur et des Affaires culturelles serait nécessaire pour donner suite à la mesure préconisée légitimement par M. Jean-Paul Palewski.

Le service des Monuments historiques a déjà d'ailleurs, dans le passé, saisi à plusieurs reprises les services du ministère de l'Intérieur de demandes tendant à faire déclarer obligatoire pour les départements et les communes leur participation financière aux frais de conservation des édifices classés leur appartenant, mais il s'est toujours heurté à l'opposition de ces services qui, plutôt disposés à atténuer les charges obligatoires locales, se sont refusés, pour ce motif, à prendre en considération une mesure qui aggraverait ces charges.

Il convient, de plus, d'indiquer qu'en ce qui concerne les édifices classés consacrés au culte, il serait nécessaire, pour obliger les départements et les communes à contribuer aux frais de leur entretien, de modifier l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat qui spécifie que les dépenses pour l'entretien et la conservation des édifices du culte ont un caractère facultatif pour les départements et les communes qui en ont la propriété.

Il faut enfin signaler que même si la mesure suggérée par M. Jean-Paul Palewski était adoptée, celle-ci ne suffirait pas pour empêcher dans l'avenir l'exécution par les collectivités locales des «grands travaux qui peuvent être préjudiciables aux sites et à la conservation des monuments historiques» que dénonce l'honorable député. Rien ne s'opposerait en effet à ce que les collectivités locales fassent procéder à ces travaux inconsidérés ou malencontreux sur les fonds de leurs budgets qui ne seraient pas affectés aux dépenses obligatoires.

Je réponds maintenant à la deuxième question, par laquelle M. Palewski me demande quelles mesures le ministère compte prendre pour redonner vie aux commissions départementales des sites.

Le fonctionnement des commissions départementales des sites est réglementé par les articles 1er et 2 de la loi du 2 mai 1930 et les articles 1er à 10 du règlement d'administration publique du 23 août 1947.

Ce texte prévoit que chaque commission départementale des sites doit se réunir au moins deux fois par an au siège de la préfecture, la section permanente de cette assemblée devant, pour sa part, siéger au moins une fois par trimestre.

Ces dispositions ont été récemment rappelées à MM. les Préfets par une circulaire leur enjoignant de respecter rigoureusement le rythme et la fréquence prévus pour les réunions.

D'après les informations reçues, les commissions départementales et leurs sections permanentes se réunissent effectivement dans les conditions prévues par la loi.

Bien que ces organismes n'aient qu'un rôle consultatif, il est généralement tenu le plus grand compte de leurs avis, tant pour les mesures de protection à intervenir que pour les travaux susceptibles d'être exécutés dans les sites classés ou inscrits.

En marge de ma réponse, je voudrais ajouter ceci : il est certain que vous avez, Monsieur le Député, visé certains cas particuliers. Je vous demanderai donc de me faire connaître les cas précis dans lesquels les avis émis par les commissions départementales n'auraient pas été suivis d'effet. Il va de soi que je pense absolument comme vous : il doit y être mis bon ordre.

 

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an36