D/1952.07.05 — André Malraux : «Nous représentons la continuité de la France»

D/1952.07.05 — André Malraux, «“Nous représentons la continuité historique de la France”», discours prononcé le 5 juillet 1952, au conseil national élargi du RPF, tenu du 4 au 6 juillet 1952, à Saint-Maur. Le Rassemblement [Paris], n° 267, 11-17 juillet 1952, p. 3.


 

André Malraux

 

«Nous représentons la continuité historique de la France»

 

Nos adversaires – car je dis franchement nos adversaires – disent : «1° Nous ne parlerons pas de mystique, nous parlerons de tactique; 2° Il y a une tactique mauvaise, c'est la tactique du général de Gaulle; il y en a une bonne et c'est la nôtre».

Je ne sais pas si la tactique du général de Gaulle est bonne, mais je suis sûr que la leur est mauvaise parce que, jusqu'ici, où qu'ils l'aient employée, elle a toujours échoué.

Je dirai enfin – que nous devions gagner ou perdre – qu'il importe peut-être beaucoup pour la France, mais qu'il n'importe pas du tout pour les colleurs d'affiches qui m'écoutent, que le groupe parlementaire soit au pouvoir ou qu'il n'y soit pas, parce que, depuis que l'histoire est l'histoire, elle ne se fait que sur l'acceptation des défaites. Que ce soit Mussolini, Richelieu, Bismarck ou Lénine, tous ces hommes ont admis pendant presque toute leur vie que, peut-être, ils feraient une carrière ignorée au service de ce qu'ils croyaient la vérité et qu'un autre après eux relèverait l'épée brisée.

Le général de Gaulle n'a dit à personne : «Je vous mène aux places», ni même : «Je vous mène au pouvoir». Il a dit : «Fasse la chance pour la France que nous y allions. Nous sommes le Rassemblement, nous représentons la continuité historique. Elle peut être battue. Elle l'a été souvent, mais elle est ce qu'elle est, et, en face d'elle, il n'y a rien».

Votre tactique, adversaires parlementaires, c'est essentiellement celle du concours. Il me semble que nous l'avons entendu prôner hier par Vichy. Croyez-vous donc que ceux qui disaient : «Pour sauver les meubles, il faut traiter avec les Allemands» étaient nécessairement des canailles ou nécessairement des idiots ? Ils suivaient quelque chose qui est une fatalité humaine et vous êtes en train d'entrer à votre tour dans cette fatalité.

Nous avons expliqué cinquante fois ensemble à la France entière qu'on ne s'arrangerait pas avec des combines. Vous voulez les refaire parce que vous serez dedans. Parmi ceux dont j'ai parlé, certains sont des hommes parfaitement désintéressés quant au portefeuille, mais ils croient qu'eux dans le circuit ils pourront faire marcher mieux les choses. C'est un espoir qui a toujours été déçu.

Le général Billotte, dont le talent et la compétence dominent de loin ceux des ministres de la Guerre qui se sont succédé, pourra faire une politique théorique de l'armée française excellente. Il l'a faite. Mais il ne sera ministre de la Guerre que dans la mesure où il est bien entendu que l'on continuera à prétendre mettre un demi-soldat dans un demi-char et à ne pas voter les crédits. Car s'il veut les faire voter, alors il ne sera pas ministre de la Guerre.

Voilà l'essentiel. Vous vous êtes battus pour une idée sachant que le destin du monde et particulièrement de la France s'en rapprocherait ou peut-être s'en éloignerait.

Si vous abandonnez un certain nombre de parlementaires, ou s'ils vous abandonnent, c'est dommage. C'est un incident. Si vous abandonnez une idée, l'idée dont vous avez vécu, ce n'est pas un incident. C'est un suicide.

On a dit que, si des parlementaires s'en vont, le Rassemblement est fini. Si nous devions choisir entre certains parlementaires et le gaullisme, dites-vous bien tous que, si le gaullisme s'en va, alors le Rassemblement d'abord et la France ensuite seront peut-être finis tous les deux.

 

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