D/1969.04.23 — André Malraux : «Allocution au Palais des Sports de Paris»

André Malraux

 

 

Allocution prononcée au Palais des Sports de Paris, le 23 avril 1969

(Pour le oui au référendum)

 

 

         Depuis dix ans, de référendum en référendum, une même lutte tantôt éclatante et tantôt souterraine se livre entre les partisans d’un gouvernement qui gouverne, et ceux de gouvernements qui ne gouvernaient pas.

         Je ne reprendrai pas l’analyse juridique de la loi qui vous est soumise. Le Général de Gaulle l’a fait de façon complète. Jean-Marcel Jeanneney vient de le faire avec plus de compétence que moi. Tout ce qu’on peut préciser à ce sujet, vous le connaissez. Pour les Français, le viol de la Constitution, c’est un coup d’Etat, et non la consultation du peuple.

         Mais je dis qu’aujourd’hui 23 avril, les arguments juridiques ne détermineront plus dix mille votes.

         Comme en tant d’autres circonstances, le oui, ce n’est plus que la confiance en de Gaulle ; le non, ce n’est plus que le désir de son départ.

         Vous aboutissez donc au plébiscite, disent les partisans du non. Je rappelle que, sommairement, le référendum porte sur les idées, et le plébiscite, sur les personnes. Mais comment les personnes ne seraient-elles pas en cause, quand on les y met depuis dix ans ?

         Si une partie de l’ancienne gauche s’est ruée contre l’élection du Président de la République au suffrage universel, n’est-ce pas parce qu’il s’agissait du Général de Gaulle ?

         Si les adversaires les plus constants du Sénat, ceux qui voulaient sa suppression, veulent aujourd’hui le maintenir à tout prix tel qu’il est, n’est-ce pas pour le maintenir contre le Général de Gaulle ?

         Sommes-nous tellement séparés par les idées, de ces partisans ou non, toujours en retard d’un gaullisme ? Beaucoup de celles auxquelles nous avons donné forme, elles étaient hier leurs rêves, et ils n’en avaient fait que des rêves. Si réellement la loi sur la régionalisation est incomplète ou inefficace, si l’on pouvait la faire voter par le parlement, pourquoi nos adversaires n’en ont-ils jamais proposé une meilleure, pourquoi ne l’ont-ils pas soumise au Parlement ? Ils ont eu plus de vingt ans pour le faire. Si, demain, la régionalisation était proposée par un autre que le Général de Gaulle, la moitié des non d’aujourd’hui deviendraient des oui.

 

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