art. 152, janvier 2013 • Julien Dieudonné : «Fautrier, frère en obsession» (PAM n° 2, 2001-2002)

Que trouve le jeune Malraux dans la peinture de Jean Fautrier ? Pourquoi cette attention immédiate et suivie ? Selon Julien Dieudonné, chercheur à l’Université Paris III, Malraux y trouve l’écho d’une obsession commune : celle du tragique de la condition de l’homme.



Lorsqu’il rencontre Fautrier en 1928, Malraux est un jeune écrivain, dont l’art n’est pas encore tout à fait sûr : ses premiers articles de critique littéraire, s’ils sont souvent pénétrants, sont corsetés dans une sorte de ton d’époque; l’oeuvre de fiction ne s’est pas encore totalement dépris de l’influence de Max Jacob. En 1929, paraissent simultanément Royaume farfelu et Les Conquérants : Malraux a encore un pied dans «l’âge du pastiche».

En revanche, il a été initié à l’art contemporain dès 1920 par Daniel-Henry Kahnweiler, alors au centre d’une activité artistique intense et décisive menée par les Picasso, Braque, Chagall, Derain, Masson. Le jeune Malraux est même déjà fort de multiples expériences dans le domaine de l’édition d’art et de luxe. Depuis 1920, et en collaborations successives avec le même Kahnweiler, Simon Kra et ses éditions du Sagittaire, enfin sous les deux enseignes qu’il fonde avec Louis Chevasson en 1926, A la sphère et Aux Aldes, il a dirigé l’édition de nombreux ouvrages illustrés par l’avant-garde artistique du temps. Malraux a enfin posé les jalons d’une pensée sur l’art cohérente dans ses premiers articles de critique d’art, sur Galanis dès 1922 et sur Rouault en 1929.

Bref, ce qui frappe en 1928, c’est ce hiatus entre, d’une part, une activité littéraire encore en gestation, qui n’a pas gagné son point d’accomplissement, et d’autre part, une activité de critique d’art, de découvreur et d’éditeur artistique beaucoup plus assurée, et pour tout dire bien plus mature. C’est d’ailleurs à sa connaissance exceptionnelle du milieu de l’art contemporain et à son expérience de l’édition de luxe, que Malraux doit son entrée chez Gallimard en 1928, où il est nommé directeur de la section artistique. On voudrait montrer comment la rencontre avec Fautrier nous paraît illustrer ce hiatus en en confirmant un pan : le jeune Malraux s’y montre en effet un critique et écrivain d’art avisé, sûr de son jugement, de sa pensée et de son style.

Où en est Fautrier, à cette même date ? A trente ans, il n’a derrière lui que deux expositions personnelles; il reste méconnu; ses toiles ne se vendent pas. Malgré l’appui de Jeanne Castel, qui le soutient depuis 1923, le marchand d’art Paul Guillaume, que sa mécène lui a présenté en 1925, cesse d’acheter. Fautrier est dans la misère, réduit à exposer dans le garage des Castel. C’est dans ce contexte difficile que s’inscrit la rencontre avec Malraux.

 

Pour lire la suite : télécharger le texte.

 

© www.malraux.org / Présence d’André Malraux sur la Toile

Texte mis en ligne le 1er janvier 2013

logo