E/1930.11.13 — André Malraux : «Un quart d’heure avec M. André Malraux», entretien accordé à A. Rousseaux

«Un quart d'heure avec M. André Malraux», entretien accordé à André Rousseaux, Candide [Paris], n° 348, 13 novembre 1930, p. 3.

Suivi de :

«Protestation d'A. Malraux contre l'interview d'André Rousseaux et réponse du dit», Candide [Paris], n° 349, 20 novembre 1930, p. 3.

Ou : Publication partielle : «M. André Malraux nous communique la lettre suivante, qu'il a adressée à Candide», La Nouvelle Revue française [Paris], t. 35, n° 207, 1er décembre 1930, p. 915-916.


 

 

André Malraux

 

Un quart d'heure avec M. André Malraux

 

Les déclarations de Malraux :

 

Extrait 1

— Cela vient de l'Inde ?

— Non, d'Afghanistan et du Pamir. Des fouilles que j'ai faites cet été, au moment même où La Voie royale paraissait dans La Revue de Paris. Amusant, n'est-ce pas ?

 

Extrait 2

— Que pensez-vous de mon livre ?

— Que c'est un roman d'aventures fort bien fait; aussi bien fait, par endroits, que du Jules Verne. Surtout, et c'est, je crois, ce qui vous fera le plus de plaisir, que vous y avez peint un type d'aventurier magistral.

— J'ai voulu dire la vérité sur l'aventure. D'abord, une vérité qui est simplement de l'exactitude. De même, il a fallu la dernière guerre pour que la littérature révélât que la guerre est une chose sale, au sens le plus matériel du mot : de la boue qui fait floc sous les semelles. Eh bien ! l'aventure, avant d'être une manière que l'homme a de s'exalter ou de se distraire, c'est des fourmis qui s'écrasent sous la paume des mains, des insectes, des reptiles, des dangers repoussants à chaque pas qu'on fait dans la brousse.

— Vous l'avez fort bien montré dans La Voie royale. Et, ensuite ?

— Ensuite… Eh bien ! disons que l'aventure est l'obsession de la mort. Je sais, la plupart des aventuriers ne s'en doutent pas. J'écarte, bien entendu, l'aventurier désintéressé, dont le modèle est le missionnaire.

— Pour celui-là, l'aventure est un moyen non un refuge.

— Parfaitement. Mais, prenons, par exemple, le chercheur d'or. Il croit qu'il part pour l'or. S'il réfléchissait sérieusement cinq minutes, il serait le premier à convenir que les quelques pépites qu'il trouvera après deux ou trois ans d'effort sont un enjeu qui ne vaut pas la chandelle. Non, il se fuit lui-même, c'est-à-dire qu'il fuit sa hantise de la mort – en même temps qu'il court vers elle.

 

Extrait 3

Remarquez d'abord, dit-il, que j'étais en mission gratuite, mission qui me donnait seulement le droit de réquisition auprès des indigènes. Je n'avais, par conséquent, rien d'un fonctionnaire appointé et tenu à certaines obligations. J'opérais à mes frais. Et les sculptures que j'ai rapportées, d'autres auraient pu aller les prendre avant moi, s'ils avaient eu envie de s'enfoncer dans la brousse. D'ailleurs, si on ne les avait pas saisies, j'en aurais donné la moitié au musée Guimet. Maintenant, il s'agit de les reprendre. Elles sont séquestrées au musée de Phnom-Penh, qui est propriété du roi du Cambodge. C'est un nouveau procès, car la Cour de Cassation a bien annulé les jugements déjà rendus, mais il reste à obtenir le jugement définitif…

 

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