«De Lazare à Rembrandt. Dialogue avec André Malraux», entretien accordé à Jean Clair le 16 novembre 1974 à Verrières, L'Art vivant [Paris], n° 54, décembre 1974 – janvier 1975, p. 34-36.
André Malraux
De Lazare à Rembrandt
Extrait 1
Vous avez toujours éprouvé une certaine méfiance pour les séductions de la mémoire et du souvenir. A d'Astier de la Vigerie, vous avez dit un jour que vous aimeriez être l'anti-Proust. Or, ici…
Malraux — Ce n'était pas tout à fait cela. Je lui avais dit que, par la force des choses, je me trouverais jouer un rôle qui serait celui de l'anti-Proust parce que la nature de la mémoire telle que Proust la faisait jouer s'opposait nécessairement à ce qui était en train de devenir le rapport de notre époque avec les mémoires…
Clair — Pourtant, dans Lazare, vous évoquez, à la manière de Joyce ou de Proust, ces «épiphanies» qu'ont été pour vous ces retours sur terre chaque fois que vous avez frôlé la mort : dans la fosse à chars, devant la Gestapo à Toulouse, etc… Comme si, chez vous, la mémoire, pour fonctionner, pour se donner libre cours, devait s'identifier à la conscience de la mort imminente et de la résurrection. Et vous usez du terme d'«épiphanie»…
Malraux — Ce sont les Américains qui ont usé de cette notion en parlant de mes livres. Je la leur ai reprise.
Clair — Mais, dans L'Irréel, également, c'est Proust encore que vous évoquez dans la préface, et non plus cette fois comme un repoussoir. Vous y précisez que ce livre se réfère à des valeurs qui ne sont pas d'ordre historique. Le Tintoret, dites-vous, succède à Titien, mais il et présent pour nous d'une manière autre que chronologique. Il y aurait dans l'œuvre une présence qui échappe au temps, un pouvoir qui serait transhistorique.
Malraux — C'est absolument fondamental pour moi. Il est impossible de concevoir le Musée comme historique. Pour un peintre du moins. Ce serait simplement ridicule. Vous vous imaginez un peintre qui arrive devant le Musée en considérant chaque salle comme un produit ? Les colonies produisent des bananes… Le XVIe siècle produit l'art du XVIe siècle ? C'est dément ! Il est bien entendu que pour n'importe quel peintre, ce qui compte de l'art du passé est présent… J'avais pris l'exemple du saint : pour celui qui prie, le saint a son point d'appui dans une vie historique. Mais il a une autre vie au moment où on est en train de le prier : quand on le prie, il est présent. En somme, le saint est dans trois temps : il est dans son éternité, il est dans son temps historique ou chronologique, et il est dans le présent. Pour moi, ce serait presque la réponse à la question : «Qu'est-ce pour vous qu'une œuvre d'art ?» C'est une œuvre qui a un présent. Alors que tout le reste du passé n'a pas de présent. Alexandre a une légende, il a une histoire, mais il n'a pas de présent. Vous sentez bien que vous ne pouvez pas ressentir de la même façon une peinture de Lascaux et un silex taillé. Le silex taillé est dans l'histoire chronologique. Le bison peint y est aussi, mais en même temps, il est ailleurs. Et là, vous mettez le doigt sur ce qui est absolument fondamental à mes yeux. Ce que je dis d'important, c'est ça : on ne peut pas concevoir l'art moderne, dans ses rapports avec le musée imaginaire, etc…, si on ne commence pas par ressentir que l'œuvre d'art de notre temps est dans un temps qui n'est pas soumis à l'ordre chronologique…
Extrait 2
Malraux — Il y aura toujours un certain hégélianisme. D'une part, je ne peux pas poser l'art comme une suite chronologique, pou
la raison que je vous ai citée, mais en même temps, je ne peux pas échapper totalement à l'Histoire. Prenons une image qui sera tout de suite très claire : vous connaissez le cinéma : je ne peux pas échapper aux séquences. Parce que je ne crois pas du tout, comme veut le faire croire Dubuffet, que l'œuvre d'art tombe du ciel. Toute vie d'un grand artiste nous montre qu'il est parti d'un maître, contre lequel il s'est battu, sur lequel il s'est conquis, etc…, ce qui implique une certaine continuité dans le temps.
Vous ne pouvez pas dire : il y a le Christ roman qui tombe de la lune. Nous sommes obligés de dire : il y a la figure, à Rome, du Bon Berger, imberbe avec son mouton, et cette image se modifie de telle façon. Et cette façon, nous la connaissons, car nous avons les œuvres : selon une évolution – le mot ne convient pas trop parce que l'évolution, en biologie, ça veut toujours un peu dire qu'il y a destin. Or, je ne crois pas tellement qu'il y ait ici destin préétabli. Mais qu'il y ait filière, sûrement oui. C'est-à-dire qu'à un moment, le Christ perd son mouton, que la barbe lui pousse, etc… Je suis donc obligé de concilier, d'accorder le fait que la création est d'une part dans le temps et, d'autre part, liée à un fait qui, lui, échappe au temps. Ce que Picasso voulait dire avec son petit bonhomme des Cyclades…
Clair — Mais c'est bien cet élément intemporel, métahistorique, que cette fois, dans L'Irréel, vous privilégiez. Vous parlez de cette «présence commune aux domaines successifs de la mort». Par-là, il me semble que vous êtes beaucoup plus proche maintenant que vous l'étiez il y a quinze ans, de Nietzsche que de Hegel. Vous ne parlez pas de l'éternel retour, mais vous parlez, à un moment, à propos de Rembrandt, de Retour Eternel…
Malraux — On ne sait pas ce que Nietzsche voulait dire avec l'éternel retour, ne l'oublions pas. Il a couru après, exactement comme Rembrandt a couru après ce portrait… intouchable de lui-même, pendant toute sa vie. Il est tout à fait évident qu'il n'a pas voulu dire que toutes les choses revenaient, au sens purement cyclique. Il y a des moments où très certainement, je crois que l'éternel retour a été pour lui beaucoup plus un domaine qu'un système. Il y a des moments où il accepte une sorte de direction du système, il y a des moments où il l'abandonne, où il se dit ce qu'il s'est dit toute sa vie : «Je travaillerai sur mes notes». Nous, nous avons les notes, chacune comme si elle était une affirmation, alors qu'elle n'a été écrite que pour être versée au dossier. Nietzsche a tout de même été le plus grand irrationaliste du siècle…
Mais, en tout cas, l'élément hégélien dont vous avez parlé tout à l'heure, c'est que, si je parle statistiquement, dans une série de créations des grands peintres de l'Occident, je ne peux pas supprimer le fait que l'artiste qui se conquiert sur un maître se trouve à un certain moment du temps : il se conquiert à ce moment-là et sur ce maître-là, pas sur la peinture. Et c'est quand il a complètement gagné qu'il est libéré. C'est quand il a complètement tué le maître qu'il pourrait tout aussi bien être venu de n'importe qui et de n'importe quand. Mais aussi longtemps qu'il reste dans son œuvre, des morceaux de l'ancien maître, le temps est là.
Clair — Mais quand il a gagné sur le temps, vous dites que Rembrandt s'adresse à la mort.
Malraux — Il s'adresse à la mort, quand même en tant que vainqueur.
J'ai essayé de tirer au clair cette question, actuellement pour moi fondamentale : quelles sont les valeurs de l'art ? Depuis qu'il y a un art moderne, nous avons dit toutes sortes de choses très justes pour ne pas soumettre l'art à des valeurs extérieures. Très bien. Seulement, à la fin, comme on ne le soumet à rien, on ne voit plus du tout où est la valeur de l'art et l'on aboutit à la phrase parfaitement absurde de Maurice Denis. Parce que, si un tableau, ce n'est que des couleurs en un certain ordre assemblées, pourquoi pas Chanel ? J'ai donc tenté de voir où étaient les valeurs suprêmes de l'art, pour nous, et j'ai abouti à ceci : je ne crois pas du tout qu'il y ait des valeurs d'usage de l'art – nous les cherchons toujours puisqu'il y en a eues jadis – mais c'est que, comme l'art est le seul langage égal à la mort – je vous le disais tout à l'heure, il ne reste rien d'Alexandre, sinon, réellement, ses portraits – il tire sa valeur, non pas d'un usage, mais du fait que la mort ait une telle valeur que la seule chose qui la touche participe de cette valeur.
Au fond, si nous prenons des choses moins importantes que l'art, tout ce qui touche à l'enterrement a un certain caractère sacré. Naturellement, il ne faudrait pas comparer la survie d'un chef-d'œuvre avec des gens qui suivent un corbillard, mais quand même, un corbillard, ce n'est pas un fiacre !
Nous sommes obligés de nous poser la question : quel est notre rapport avec l'art ? Que veut dire pour nous le mot «admiration» ? Tout le temps que c'était une esthétique de la beauté, ça allait bien, mais du moment que vous n'êtes pas pour la beauté, que veut dire admiration ? Ça veut dire exactement : valeur supérieure prêtée à. Cette statue n'est pas un objet, elle participe d'une valeur supérieure à celle d'un objet. Cette valeur, c'est évidemment ce qui n'est pas à l'intérieur de l'apparence. Disons, c'est ce qui appartient au domaine dont la mort est la seule manifestation claire.
Clair — Rembrandt peignant la Conjuration de Claudius Civilis n'est déjà plus dans la beauté ?
Malraux — Absolument pas. Il n'y pensait plus : la beauté pour lui s'achève à peu près avec la mort de Saskia. Je crois que ses œuvres capitales, par exemple ses autoportraits et le Claudius Civilis ont été exactement ce qu'a été la prière pour un mystique. Il y avait un autre monde, pas du tout celui qu'on pouvait voir, et le lien avec cet autre monde, comme la prière pour le mystique, c'était la peinture. Et c'est pour ça qu'il s'est si étonnamment trompé, un certain nombre de fois. Il a fait onze portraits au moins du Christ. Ils sont tous mauvais. Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas faire le portrait du Christ. L'idée du portrait psychologique est inapplicable au Christ. Le seul, à cette époque-là, ou presque qui ait fait des Christ, c'est le Greco, parce qu'il y avait des icônes…
Clair — Mais ce dialogue de Rembrandt avec la mort n'est pas, comme chez le mystique, un rapport au sacré.
Malraux — Ça n'en est pas loin… Ce qu'il y a, c'est que, lorsque nous parlons d'un sacré au sens historique du mot, il y a culte et il y a un certain nombre de manifestations contrôlables. Pour Rembrandt, évidemment, il n'y a pas à proprement parler culte, en tout cas, il n'y a pas liturgie. Mais la nature du rapport me paraît tout de même excessivement proche. Nous parlons après tout d'un homme qui est le seul peintre au monde qui, à partir du moment où il a surgi du temps, où il a été reconnu, n'a plus été mise en question. Combien de gens, au XIXe siècle, ont dit que Léonard était un veau ! Mais depuis que Diderot – très tôt donc – a écrit : «Si je rencontrais un personnage de Rembrandt dans la rue, je le suivrais stupéfait, etc…», jusqu'à nous, personne n'a attaqué Rembrandt. Sinon, un peu, les surréalistes quand Breton a parlé du «blême Rembrandt», mais personne ne s'en est aperçu ! Alors, tout de même, c'est un homme dont le sentiment religieux est excessivement fort et qui, manifestement, a demandé à sa peinture d'assouvir ce sentiment.
Clair — Vous dites quand même que s'il avait eu à choisir entre un athée amateur de peinture et un mennonite ignorant de l'art, il aurait choisi l'athée…
Malraux — Oui, seulement je crois qu'à la fin des fins, il aurait dit qu'on ne peut pas être un véritable amateur de peinture si on ne comprend pas l'existence d'un… je ne sais pas – à l'époque, on n'aurait pas dit d'un fait métaphysique, il aurait probablement dit d'un fait divin, peut-être sacré… Parce qu'il n'aurait pas aimé tant que ça une peinture complètement profane…, encore qu'il ait essayé d'acheter, et contre Mazarin, le Balthazar Castiglione…
Chez Rembrandt, le passionnant, c'est le pourquoi travaille-t-il ? Pourquoi, à partir d'un certain moment…
Clair — Vous dites en effet de son temps : «Il n'y a plus de cathédrales, il n'y a même plus de tombeaux… ?
Malraux — Il travaille évidemment pour quelque chose qui n'existe pas et que vous ne pouvez déterminer qu'en termes religieux au moins négatifs. Parce que, tout de même, il a participé à un concours avec le Claudius Civilis. L'histoire ressemble à celles que racontaient les préfets, jadis, que dans les concours du plus bel enfant du département, il valait mieux être prévenu – c'était les préfets qui étaient juges de ces concours – que, toujours, il y avait une femme qui se présentait avec une espèce de monstre. Parce qu'il y a toujours quelqu'un qui croit que… Et Rembrandt a cru en ce concours, lui aussi, à sa façon. Mais il ne pouvait pas gagner. Vous avez vu les dessins, vous connaissez le tableau. C'était une œuvre d'une audace extraordinaire pour un concours. Et puis, un concours avec qui… ? Cette bande d'idiots ?
Clair — Vous connaissez la condamnation que Baudelaire a portée contre la peinture municipale, la peinture pour municipes ?
Malraux — Je ne crois pas. Mais enfin, il avait raison !
Clair — A partir du moment où nous ne sommes plus dans le sacré, mais dans l'irréel, à partir du moment encore où sa peinture n'a plus valeur d'usage et est rejetée par la ville d'Amsterdam, pour qui Rembrandt peint-il ?
Malraux — Ce qui est sacré, c'est sa peinture elle-même. La conscience qu'il en a est probablement diffuse, parce que je ne crois pas qu'un humain puisse se mettre devant sa toile en pensant : «j'entre dans le sacré».
Au moment où Rimbaud s'embarque sur La Saison en Enfer, il n'aurait jamais accepté le mot «sacré». Bon. Mais il ne s'embarque tout de même pas pour faire de la photographie ! Il sait très bien qu'il embarque sur un état psychique. Et Rembrandt, sûrement aussi. Cet état, c'est ça que nous sommes en train d'appeler le sacré. C'est-à-dire que ça ne se définira que négativement. Nous appelons sacré quelque chose qui refuse totalement le réel…
Je pense à sa gravure. Ce qui me frappe le plus dans la grave de Rembrandt, c'est la façon qu'il a, absolument seul, d'accepter de se servir de la transformation d'un cuivre pour obtenir un effet. Vous avez deux exemples : Les Trois Arbres et naturellement Les Trois Croix. Un autre exemple, c'est la gravure de Seghers dont il a fait les personnages. Là, vous avez une chose très intéressante : il travaille sur le cuivre et il a des épreuves. C'est-à-dire qu'il sait très bien qu'en gravant ces personnages comme ça, il va les graver dans un univers qui ne peut pas exister autrement que par la gravure. Il grave, sur une gravure, pour une gravure… Il n'y a plus d'univers, il n'y a plus d'illusionnisme, il n'y a rien…
Clair — Mais ce «sacré», qui ne se confond pas avec une vision religieuse ou eschatologique de l'Histoire, ne se confond pas non plus avec une visée finaliste ou humaniste. Rembrandt ne peint pas pour un Dieu, ni pour un Etat. Mais il ne peint pas non plus pour une postérité…
Malraux — Du tout. Il y a une réalité au sens métaphysique. J'échappe à cette réalité et, naturellement, j'y échappe en créant quelque chose de plus important qu'elle. La postérité est dans le temps, et je pense que pour Rembrandt, la valeur est majuscule : elle n'est pas seulement dans le temps.
Clair — Cet au-delà du temps, vous le définissez comme «une oraison déchirée entre la transcendance, la solitude et la fraternité». Ce mot de «fraternité»…
Malraux — Oui, il y a ce côté fraternité, si nous prenons l'œuvre dans l'ensemble. Si nous cherchons, comment l'appeler, son décor, il est excessivement courant en Hollande. Et comme il est vulgaire et stupide ! Et comme de ce point de vue, Rembrandt le transcende ! Il a fait énormément de «quotidien». Mais son quotidien échappe totalement à l'auberge hollandaise…
Clair — Cette fraternité dont vous parlez à propos de Rembrandt, c'est un mot qui revient aussi très souvent dans Lazare…
Malraux — J'y attache une très grande importance. Mon idée c'est que c'est un mot sur lequel on déraille depuis cent ans. Il a fini par signifier «les bons bougres». Disons qu'il a fini par vouloir dire, à peu près, «chaleureux». Alors que, dans la réalité, c'est sûrement excessivement mystérieux. Parce que si vous essayez de poser l'idée sans son espèce de décor pompier, elle est assez obscure. Il est bien entendu que c'est d'abord une idée profondément chrétienne et, en tant que telle, elle n'est pas du côté «chaleureux», elle est ce qui est mystérieusement commun entre les êtres. Quelque chose qui m'a quand même toujours vivement frappé, c'est la devise : «Liberté-Egalité-Fraternité» : Liberté, Egalité, ce sont des idées; Fraternité, ce n'est pas une idée ! Et comme vous le savez, elle a été ajoutée après. Il est tout à fait certain qu'il y a un écart de plus de dix-huit mois entre le premier drapeau qui a porté les mots de Liberté et d'Egalité et ceux qui ont porté le mot de Fraternité…
Clair — La mort surmontée par la fraternité de Rembrandt, à travers l'œuvre d'art, et la mort surmontée par la fraternité sur les champs de bataille, – comme dans cet épisode hallucinant que vous rapportez dans Lazare: des Allemands allant relever les corps atrocement gazés des Russes, à Bolgako, en 1916 –, est-ce de la même chose que vous parlez ? S'agit-il de la même fraternité ?
Malraux — Je ne crois pas. Je crois que ce qui surmonte tout dans Rembrandt, c'est la peinture. C'est la création, le «il n'y avait rien et il y a ceci». C'est plus important que quelque autre caractère ajouté que nous puissions prendre, même l'élément fraternel.
Certains des Rembrandt les plus mystérieux nous montrent bien que son rapport avec la création n'est pas du tout un rapport logique. Regardez le portrait de Cologne : tout de même, il ne devait pas avoir envie de se peindre riant à cette époque-là !
Clair — Rire ou ricanement ?
Malraux — Et naturellement, il n'y a pas de réponse ! Le coup de génie, c'est qu'il n'y a pas de réponse. J'ai employé l'expression «rire insensé». Le seul rire qui ressemble au portrait de Cologne, c'est celui de Goya, où là aussi, on se demande : est-ce qu'il rit ? On ne sait plus si le personnage est en train de rire ou de grimacer de douleur…
Clair — «Le ricanement illustre de la mort» ?
Malraux — Que ce soit Goya, que ce soit Rembrandt, quand nous sommes sur cette expression-là, il y a quelque chose de la tête de mort. De même que je disais Le Bœuf écorché c'est la crucifixion, dans ce sens-là, il y a le masque de la mort au-dessous de ces faces, peu définies, plus avec des ombres qu'avec des traits…
En 1969, je faisais à Stockholm, en présence du Roi de Suède, le discours d'inauguration de l'année Rembrandt. Et à un moment du discours, je dis : «Il est neuf heures, dit l'heure… Sonnez sur les canaux d'Amsterdam…» Et à ce moment-là, il était effectivement neuf heures, et l'heure a commencé à sonner à toutes les églises de Stockholm et tout le monde dans la salle s'est tu…