art. 63, décembre 2009 • François de Saint Cheron : «Malraux critique d’art» (2001)

Romancier, combattant, André Malraux fut aussi un écrivain passionné par la peinture et la sculpture : une importante partie de son œuvre leur est consacrée. Sa réflexion sur l'art – disons-le d'emblée – se situe aux antipodes de l'historicisme des philosophies de l'art du XIXe siècle (celle de Taine surtout) et tout autant des critiques d'inspiration marxiste. S'il s'inscrit dans une tradition, c'est dans celle d'écrivains et de poètes auteurs d'écrits sur l'art : il considérait Diderot, Baudelaire et Valéry comme ses maîtres. On peut également relever chez lui, sur tel ou tel point, l'influence de penseurs comme Aloïs Riegl, Wilhelm Worringer (qu'il a peut-être lus, bien qu'il ne les ait jamais cités), ou encore Walter Benjamin et Henri Focillon (qu'il a lus et cités). Mais, pour l'essentiel, sa vision reste profondément personnelle, servie par une impressionnante culture artistique et présentée dans un style enthousiasmant.

Malraux n'était ni un esthète ni un historien de l'art ; faute de comprendre cela, on tombera dans le malentendu qui le fit considérer par la plupart des spécialistes comme un mauvais historien de l'art. Or, malgré sa passion pour l'histoire, son projet ne fut jamais d'ordre historique, ni même d'ordre esthétique : il fut tout entier orienté par ce qu'il appelle, au début de La Métamorphose des dieux, «la signification que prend la présence d'une éternelle réponse à l'interrogation que pose à l'homme sa part d'éternité.» Il ne s'agit donc ni d'histoire (même s'il lui accorde une place importante) ni, moins encore, d'esthétique, mais bien de métaphysique. D'autre part, à ses yeux, l'une des plus hautes fonctions de l'art était de «donner conscience aux hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux». C'est dans cette double perspective que Malraux a bâti cette partie de son œuvre dont les titres principaux sont Saturne (1950), Les Voix du silence (1951), La Métamorphose des dieux (1957-1976).

 

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(Communication proposée au Colloque Malraux, Université Silpakorn, Bangkok, novembre 2001.)

 

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