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Hommage à Walter G. Langlois

 

Walter Langlois

Avec la mort de Walter Langlois le monde académique a perdu un vrai pionnier, un spécialiste de Malraux qui a introduit des jeunes initiés (comme moi!) au monde fascinant de l'auteur… Quand je suis arrivé à Harvard en 1969 j'ai voulu concentrer mon attention sur la relation entre la littérature et le cinéma.   J'avais déjà lu André Malraux and the Tragic Imagination de W. M. Frochock où il faisait des références cinématographiques au style de Malraux.  Je lui ai donc demandé de me guider dans ma mission. Il m'a répondu…. « Je n'ai pas vu un film en 25 ans.  Il faut aller ailleurs peut-être à Chicago pour étudier avec Bruce Morrisette, qui s’est spécialisé dans la littérature et le cinéma français. » Cependant j'ai décidé de rester à Harvard.

« Enter Walter Langlois! » Il m'a encouragé à suivre ma passion pour Malraux et le cinéma, en particulier pour Sierra de Teurel/Espoir.  Il m'a sauvé! Plus tard, Henri Langlois de la Cinémathèque Française m'a offert la possibilité de voir ce film très rare pour ma thèse et sa publication. (Les nazis ont détruit presque toutes les copies de ce film anti-fasciste.)

« Fast forward! » En 1991, quand j'ai reçu les Palmes Académiques du gouvernement français, Walter a généreusement accepté de faire un discours à cette occasion à Boston College où il avait enseigné antérieurement. Il a laissé sa marque à cette université en établissant le Honors Program et l' Asian Studies Program.   Le 4 janvier 1959 le New York Times a annoncé: “Walter Langlois And Sheila Wood Will Be Married; Boston College Faculty Member and Alumna of Radcliffe Engaged”.  Puis Laramie, Wyoming l'appelle.

Je dois en très grande partie ma carrière professionnelle à Walter. Qu' il dorme avec les anges !

John Michalczyk

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Le départ de Walter Langlois, le passionné de Malraux

Sans reprendre ni redire les multiples hommages, bien mérités, qui ont afflué à la nouvelle de la mort de Walter Langlois, je voudrais y ajouter deux ou trois grains de sel personnels.

J’ai connu Langlois dans les années 60 par ses activités diverses et efficaces pour promouvoir la connaissance et l’appréciation de la vie et de l’œuvre de Malraux. Il avait créé et dirigeait The Malraux Society, qui organisait des colloques et publiait, de 1969 en 1986 un bulletin bilingue, Mélanges Malraux Miscellany, réunissant quelques articles et des annonces concernant Malraux. J’y ai sorti mon tout premier article[1]

Par la suite, les MMM se sont transformés en la RAMR, c’est à dire La Revue André Malraux Review, sous la direction compétante de Robert Thornberry de l’Université de l’Alberta (1986-2003), puis de Michel Lantelme de l’Université de l’Oklahoma (2004-2015). Robert a publié entre autres le colloque de Harvard, que j’avais instigué et co-organisé –  Metamorphoses: André Malraux and the 21st Century (nº 30, numbers 1/2 [2001])– , et Michel celui de Belfast organisé par Peter Tame (nº 35 [2008]).

En 1971-72 je dirigeais l’année d’études de l’Université du Massachusetts à Paris et au printemps, avais proposé un séminaire sur les romans de Malraux. Un de mes étudiants a déniché chez un bouquiniste son exemplaire des Conquérants et, dedans, un dépliant publicitaire de Grasset comportant des descriptions de ce roman et de La Voie royale qui dataient de l´époque mais qui de nos jours, même en 1972, prêtaient à sourire sinon plus. De passage à Paris, Langlois est venu dîner à la maison – un appart rue Le Verrier. Passionné par tout ce qui touche à Malraux, il s’est extasié devant cette trouvaille. Il avait déjà une collection extraordinaire de documents portant sur Malraux, mais n’avait jamais vu ce dépliant. Je m’en suis fait une photocopie, ce qui me suffisait, et lui ai envoyé l’original quelques jours plus tard, ce dont il m’a remercié chaleureusement par retour du courrier… et qu’il m’a rendu au centuple quelques années plus tard.

Sachant que je devais participer à la réunion de la Malraux Society à St. Louis en décembre 1974, Walter m’a invité à l’accompagner après jusqu’à Laramie, dans le Wyoming – le vrai “Far West” – où il avait depuis peu intégré le Département de langues modernes et classiques de l’Université du Wyoming. Il m’a proposé d’y faire une conférence, non sur Malraux mais sur la chanson française, un autre de mes dadas. Après, il m’a emmené en montagne dans sa grosse 4×4 où, en dépit de la traction aux quatre roues, on s’est fait coincer dans un banc de neige dans un col non dégagé. Par bonheur, il y avait une autre voiture piégée de la sorte dont le conducteur avait réussi à contacter un dépanneur, je ne sais comment: on m’avait pas encore de mobiles! Sous peu, on nous a extirpés de la neige et on a pu rentrer sains et saufs.

Quelques années plus tard, Walter a lancé l’idée d’un festschrift en l’honneur du doyen des critiques malruciens, W.M.Frohock, et m’a sollicité pour le diriger – ou plutôt, co-diriger avec Carl Viggiani, ce que j’ai accepté avec plaisir. C’était, je crois, sa façon d’encourager le jeune chercheur que j’étais encore. L’idée m’a plu car j’avais découvert Malraux dans un séminaire de Frohock à Harvard où je faisais un doctorat de littérature comparée. Mon petit mémoire de fin de séminaire allait devenir ma thèse cinq ans plus tard.[2]  Plusieurs des auteurs du festschrift [3], dont Walter et moi, ont eu le plaisir de le présenter à Frohock lors d’une joyeuse réception chez lui, quelques mois avant sa mort en 1984. Les quinze textes du livre étaient accompagnés et embellis par autant de dyables offerts par Walter de sa collection personnelle. Généreux comme à son habitude.

J’ai eu le plaisir de croiser Walter par moments au fil des années, notamment aux Décades de Cerisy, et de communiquer avec lui par lettre ou par téléphone, même dans son Far West. Son départ laisse un trou dans la communauté des Malruciens qui ont été touchés par sa compétence de chercheur, son enthousiasme à toute épreuve, sa gentillesse, sa modestie, son sens de l’humour pince-sans-rire. Paix à son âme!

Brian Thompson

[1]  “The Image of Blindness in Malraux’s Meditations on Art,” Mélanges Malraux Miscellany III,2 (Autumn 1971), 16-25

[2]  “Vision and Blindness in the Novels of André Malraux” (Harvard, 1970).

[3] Witnessing Andre? Malraux : visions and re-visions : essays in honor of Wilbur Merrill Frohock, Wesleyan UP, Middletown CT, 1984.