Le texte ci-contre est extrait des Antimémoires, livre autobiographique d'André Malraux paru en 1967. Le célèbre écrivain et homme politique français (1901-1976) y évoque notamment son expérience de résistant. Sous le nom de «colonel Berger», il fut chef du maquis de Lot-et-Garonne et de Corrèze. Après avoir joué un rôle actif dans la Résistance, il participa aux campagnes d'Alsace et d'Allemagne, où il commanda la brigade «Alsace-Lorraine».
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Au début de 1944, j'avais inspecté pour la première fois les cachettes de tous nos maquis. Certaines contenaient les armes destinées aux volontaires qui nous rejoindraient à l'annonce du débarquement. Les grottes sont nombreuses en Périgord, et par des échelles de fer placées pour les touristes de naguère, nous montions retrouver, dans des alvéoles contigus comme les loges d'un théâtre magdalénien, notre matériel enfoui. Mais la plus vaste grotte de Montignac était souterraine, et la cachette, éloignée de l'entrée. Nous possédions des torches électriques puissantes, car la nuit était tombée, et ceux qui s'étaient perdus là étaient morts. La tranchée devint si étroite que nous n'y passâmes plus que de côté. Elle tournait à angle droit. Sur le roc qui semblait nous barrer le passage, apparaissait un vaste dessin. Je le pris pour un repère de nos guides, et projetai sur lui le faisceau de ma torche. C'était un enchevêtrement de bisons.