Art. 238, juillet 2019 | document • Denis Marion : «Quelques scènes de “L'Espoir” – le film de Malraux», «La Presse de France», 12 juillet 1945, n° 31, p. 18-19. – Suivi de dix photogrammes tirés en 1945.

En août 1936, deux jours après le soulèvement de Franco, André Malraux atterrissait sur le terrain d'aviation de Madrid. Il se mettait sur-le-champ en rapport avec les autorités républicaines. Celles-ci, qui ne disposaient ni d'un appareil, ni d'un pilote, le chargèrent d'organiser l'aviation. C'est ainsi que l'auteur de La Condition humaine devint le commandant de l'escadrille Espana, composée de volontaires étrangers, qui fut pendant plusieurs mois seule à s'opposer aux forces franquistes.

Blessé au cours d'un de ses vols, André Malraux dut quitter son poste. Il en profita pour écrire L'Espoir (1937), qui reste l'épopée de la guerre civile espagnole.

En 1938, le gouvernement républicain lui demanda de réaliser un film sur le même thème. A partir de juin 1938, André Malraux commença, dans Barcelone quotidiennement bombardée, les prises de vues qu'il n'interrompit qu'à la veille de l'entrée des troupes de Franco, en janvier 1939. A ce moment, les deux tiers du scénario original avaient été tournés.

Le négatif se trouvait en sûreté en France. Monté par Malraux lui-même, et sonorisé, il était prêt à être projeté quand la guerre éclata. Lors de l'occupation, il put être partiellement soustrait aux Allemands.

Le film L'Espoir[1] retrace quelques épisodes de la lutte menée par les républicains espagnols. L'action se déroule à la fin de 1937 quand les Franquistes occupaient la ville de Teruel qui formait un saillant dans les lignes républicaines.

Le film met en scène les différents éléments qui participaient à la lutte contre le fascisme :

1° l'armée républicaine espagnole n'apparaît qu'à un bref moment (sous la forme des avions de chasse qui mettent en fuite la chasse franquiste) : la partie du film qui devait lui être consacrée n'a pu être tournée par suite de l'arrêt inopiné des prises de vues;

2° les volontaires étrangers qui combattaient aux côtés des Espagnols sont représentés par les aviateurs d'une escadrille : l'Italien Marcelino Rivelli, dont l'oraison funèbre est prononcée dans les premières images du film; le Belge Attignies, qui lui succède comme commissaire politique; l'Allemand Schreiner, ancien as de guerre, qui est devenu incapable de piloter, mais qui fait encore un bon mitrailleur; le Français Mercery, qui répond avec emphase «indépendant» quand on lui demande à quel parti politique il appartenait; Saïdi, venu d'Algérie pour qu'on ne croie pas que tous les Arabes sont comme les Maures à la solde de Franco, et aussi celui qui s'est engagé parce qu'il s'embêtait;

3° les partisans espagnols (appelés aussi guerilleros ou dynamiteros), qui se trouvaient à l'arrière des lignes franquistes. Ceux que nous voyons sont, au début du film, dans Teruel. Un agent de liaison vient dans la droguerie qui leur sert de lieu de rendez-vous et leur passe les consignes. Ce sont des militants syndicalistes aguerris au travail clandestin par les luttes menées autrefois sous la dictature et sous les gouvernements réactionnaires. Leur arme favorite est la dynamite;

4° les paysans espagnols. Ceux qui se trouvent dans la partie du territoire qui est toujours au pouvoir des républicains forment le gros des armées. Mais les enfants, les vieillards, les infirmes et les femmes sont restés dans les villages pour cultiver la terre et ce sont eux que nous verrons présider les Comités de Front Populaire et, dans l'épisode final, faire un cortège d'honneur aux aviateurs morts ou blessés.

Les paysans, dont les villages ont été occupés par les Franquistes, lorsqu'ils peuvent espérer une arrivée rapide des troupes républicaines, se révoltent contre l'oppression fasciste. Un de ces soulèvements locaux tient une grande place dans le scénario. D'autre part, un rôle de premier plan est celui du simple laboureur qui a repéré un champ d'aviation clandestin des Franquistes et qui veut aller porter lui-même aux Républicains le précieux renseignement.

De même qu'au théâtre, le public n'est pas admis aux répétitions, au cinéma les différents états du découpage et du dialogue ne sont pas publiés. André Malraux a, cependant, bien voulu nous autoriser à reproduire, à titre documentaire, les fragments suivants.

Voici d'abord la première séquence du film, donnée à titre d'exemple de découpage technique (pour lequel André Malraux fut assisté par Boris Peskine); selon l'usage, il est rédigé sur deux colonnes, la première pour l'image, la seconde pour le dialogue.

[1] Les distributeurs ont redonné au film le titre du roman, bien que celui-ci n'ait que quelques éléments communs avec le scénario. André Malraux avait baptisé le film Sierra de Teruel.


Suit la synopsis de quelques scènes du film.

Téléchargement.


10 photogrammes du film

 






Le paysan d’Albaracin vient informer les Républicains de l’endroit où les fascistes cachent leurs avions.


Dans l’avion, le paysan d’Albaracin ne reconnaît plus sa région.


Le crash du Potez dans la Sierra de Teruel.


Le pilote Hernandez rendu aveugle par le crash de l’avion.


La très fameuse «descente de la montagne». Les paysans escortent les aviateurs blessés ou morts.