«Radio Télévision Cinéma», 22 juin 1958. J. L. T. «André Malraux, en noir et en couleur», à propos du film de Léonard Keigel

Radio Télévision Cinéma, 22 juin 1958.

J. L. T. «André Malraux, en noir et en couleur», à propos du film de Léonard Keigel

 

On ne peut accuser M. Léonard Keigel d'avoir réalisé un film de circonstance : il ne pouvait guère prévoir quand il entreprit son film voilà plusieurs mois qu'André Malraux serait ministre une fois le film terminé.

Scénariste, réalisateur, monteur et commentateur de ce court métrage, Keigel n'a pas voulu nous donner une biographie d'André Malraux, il n'a pas voulu non plus se livrer à l'exercice de l'interview devant la caméra. Les deux méthodes présentaient peut-être quelque tentation de facilité, mais on peut regretter de ne pas mieux faire connaissance avec l'homme qui est chargé aujourd'hui d'assumer tant de responsabilités. C'est un essai sur la pensée et le style de Malraux qu'a voulu réaliser Léonard Keigel. S'inspirant sans doute de l'écriture de son modèle (on prétend que Malraux n'écrit qu'une phrase sur deux, il nous propose un film allusif. Tout d'abord un extrait d'Espoir : la scène où deux révolutionnaires jettent leur voiture contre un canon et meurent. La question est posée : le suicide révolutionnaire a-t-il un sens ? La réponse serait une dérobade si Malraux lui-même n'avait pas sembler l'inspirer : la création artistique est une autre méthode pour s'opposer au néant.

Le film évoque donc les œuvres de Malraux et surtout La Condition humaine. Mais le balancement entre l'art et la politique se retrouve dans la vie de Malraux quand, devenu le colonel Berger, puis le ministre de l'Information de de Gaulle après la Libération, il se retire de la scène politique pour créer son Musée imaginaire.

Il reste aujourd'hui un épilogue à ajouter à ce film; chacun s'en doute. Suggérons à Léonard Keigel d'obtenir cette fois un entretien de Malraux ministre ou, demain, de Malraux écrivain. Car, malgré tout, l'intérêt de l'essai, ce qui justifie un tel film, c'est d'y découvrir l'homme; les images les plus intéressantes restent celles du Congrès de la Culture où, en 1952, nous voyons André Malraux nerveux, passionné, parler des choses auxquelles il croit. Ces images et ces sons pris sur le vif en apprennent plus sur lui qu'un long discours.


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