E/1970.06.14 — André Malraux : «On en parle. Rencontre avec André Malraux», rapport d'un entretien accordé à Philippe Labro.

«On en parle. Rencontre avec André Malraux», rapport d'un entretien accordé à Philippe Labro, Le Journal du Dimanche [Paris], n° 1229, 14 juin 1970, p. 2. (Compte rendu d'une rencontre datant de 8 jours. L'entretien n'avait été ni enregistré ni noté. Peu de citations.)


 

Philippe Labro

Rencontre avec André Malraux

 

Deux extraits (Malraux parle ici)

«Ils font partie de la même famille. Aller à Dallas et passer au Petit-Clamart, c'est la même chose, la même attitude. Il n'y avait pas vraiment de raison d'aller à Dallas, mais on voit très bien pourquoi Kennedy, prévenu de ce qui pouvait l'attendre là-bas, décide tout de même d'y aller. C'est le côté : “faut y aller” que possède aussi de Gaulle. Et certainement quelque part, la notion que si la vie doit s'achever là-bas, et comme cela, eh bien ! tant pis ou, peut-être, tant mieux ! Ce qui me fait dire qu'ils appartiennent à la même famille, c'est leur attitude vis-à-vis de leur propre rôle dans l'Histoire, la façon de toujours se situer par rapport à une Histoire plus importante et plus grande que les histoires… Pour lui, peu de gens ont su ce qu'il y avait derrière le meurtre de Dallas. Mais Bobby Kennedy, lui, savait. La dernière fois qu'il est passé à Paris, il m'a dit : “Maintenant, c'est à mon tour”. Je l'ai noté ce soir-là, parce que après, la mémoire vous joue des tours…»

 

«Staline silencieux, laissant l'interlocuteur parler, attendant cinq minutes avant de dire un mot, et c'est long cinq minutes de silence. Staline donnant l'impression d'être assis au fond de son enfer, semblant vouloir dire “Allez-y, venez donc me chercher, qu'ils viennent donc chercher une deuxième Allemagne en Russie”, Staline avec sa perruque, ses moustaches d'Ivan le Terrible, les fausses épaulettes de cet uniforme taillé pour le gonfler et lui donner un peu plus cette allure de guerrier terrifiant, Staline qui n'expliquait jamais rien, ne se livrait jamais et ne cessait de vous fixer de son regard de pierre, si bien qu'au bout d'un moment vous finissiez par avoir tout bêtement peur..»

 

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Philippe Labro