1965/10/14 • André Malraux : «Intervention à l’Assemblée Nationale, 14 octobre 1965»

André Malraux

 

Intervention à l'Assemblée Nationale, 14 octobre 1965

Présentation du budget des Affaires culturelles

 

Extraits :

 

La France est à l’heure actuelle, exemplaire pour les maisons de la culture dans le monde. Je ne suis pas allé dans un seul pays sans que mon homologue m’ait demandé comment nous allions procéder et m’ait expliqué qu’il avait l’intention, lui aussi, d’appliquer ce système d’une façon ou d’une autre.

Quand je dis d’une façon ou d’une autre, je supprime l’autre parce que, lorsqu’il s’agit d’un pays comme la Chine, les problèmes sont différents ; mais, s’agissant du Mexique, des États-unis ou de l’Angleterre, alors ce sont vraiment nos problèmes.

Quand je suis passé à Singapour, quatre jours avant la scission, le ministre des affaires culturelles, qui est par ailleurs président du parti, m’a demandé si la France acceptait de faire la maison de la culture de Singapour.

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Le fond de la question, Mesdames, Messieurs, le voici : on nous a parlé abondamment de l’américanisation du monde. Ce n’est pas du tout de l’américanisation du monde qu’il s’agit. Il suffît d’être allé à travers l’Asie pour le savoir. Il s’agit de la machine, tout simplement.

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Or la machine n’a pas seulement détruit les conditions de travail. Elle a aussi détruit la structure des anciennes civilisations, qui étaient, pour prendre un terme commode, des civilisations de l’âme.

Jusqu’au moment où le christianisme a cessé de mettre en forme organiquement l’Europe, le problème humain s’est posé de la même façon. Mais, a partir de la machine, on a vu le remplacement de l’âme par l’esprit, de !a religion non par la métaphysique, mais par la pensée scientifique, parce qu’il y a eu la métaphysique d’abord, l’esprit scientifique ensuite. En somme, on a remplacé la signification de la vie par les lois du monde.

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Mais dans les cinquante dernières années, c’est-à-dire dans l’arrière-plan historique de notre temps, la multiplication est éclatante et lorsqu’on a dit que la machine détruisait le rêve, on a simplement oublié l’entrée en jeu des machines à rêver que sont le cinéma, la radio, la télévision, sans parler du développement du livre.

Or, les usines de rêve ont émancipé le rêve. Il est pourtant beaucoup moins libre qu’il ne paraît. Il semble que le rêve puisse faire tout ce qu’il voudra. En fait, de même qu’il y a eu un cycle de la Table ronde, un cycle des Mille et une nuits, nous avons aujourd’hui le cycle du sang, le cycle de la sexualité et quelques autres, mais, hors du domaine politique, pas beaucoup d’autres.

Mais l’imaginaire n’est plus ordonné au sens que j’entendais tout à l’heure. Dans ce domaine, les dieux sont morts, mais les diables sont vivants.

 

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