«L’Humanité» critique les «Antimémoires» (1967)

André Wurmser, «Antimémoires ou les oublis», L'Humanité, 7 octobre 1967, n° 7193, p. 8.

 

Il y a dans ce gros livre retentissant – souvenirs de guerre, contes, récits de voyage, scénario, portraits (celui de Nehru est particulièrement réussi) – de très belles pages. Un penchant ancien à l'apocalyptique, un grossissement qui, une ou deux fois, frôle le comique (la reconquête par Malraux, chevalier gaulois, de la Guyane, c'est Tartarin à Cayenne !) comptent peu. D'autres pages, moins nombreuses, sont plus confuses : dans des romans déjà, il fallait compter les tirets pour savoir qui parle et c'est fâcheux quand l'un des interlocuteurs est Nehru (une des causes de cet empâtement est la complaisance de l'auteur à étaler une érudition inépuisable, encyclopédique, écrasante).

 

Il a de bons yeux : Mao «n'élève pas la voix, mais son hostilité, lorsqu'il parle du Parti Communiste Russe, est aussi manifeste que la haine de Chou En-lai, lorsqu'il parle des Etats-Unis». Son style éblouit – éblouir étant le contraire d'éclairer. Il se saoule de pensées, de mots surtouts, jusqu'à la grandiloquence la plus déplaisante («Dans la Résistance j'ai épousé la France»). Il a l'art de transformer des affirmations péremptoires en phrases lapidaires. Une seule page contient dix sujets de dissertation pour bachot de philosophie. Or ou simili. Heureux les jeunes gens qui commenteront : «Le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'est celui de la métamorphose.» Malheur à ceux qui devront suer sur «Peut-être les civilisations se ressemblent-elles par leurs vices et se séparent-elles par leurs vertus – ou se rapprochent-elles par ce qu'elles connaissent et se séparent-elles par ce qu'elles croient !» Enfin, ce livre historique comporte un personnage central, à peu près aussi anachronique et aussi encombrant que le général de Gaulle lui-même !

 


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