Après la visite de Malraux à Richard Nixon (février 1972)

«M. André Malraux a suggéré à Washington de proposer à Pékin “une sorte de nouveau plan Marshall”», extraits et compte rendu, par Jacques Almaric, de la conférence de presse tenue à Washington le 15 février, Le Monde, n° 8427, 17 février 1972, p. 4.


 

 

 

Malraux chez Nixon en février 1972

 

De notre correspondant

Washington. – «La pire erreur serait de croire que le voyage du président Nixon en Chine est une sorte de conflit entre catholiques et protestants des guerres de Religion. C'est une conversation entre catholiques et protestants d'aujourd'hui…»

Volontiers paradoxal, brillant, inspiré, voire «gaullien», M. André Malraux a exposé le mardi 15 février, à la résidence de M. Charles Lucet, ambassadeur de France à Washington, ses vues sur le prochain voyage de M. Nixon à Pékin. L'ancien ministre, qui avait eu un long entretien avec le président avant de dîner à la Maison Blanche, a refusé de rendre compte de ses discussions avec son hôte. «Je n'ai de conseils à donner à personne» a-t-il dit. «Ce sont les Américains qui font la politique des Etats-Unis. Si on me demande des suggestions et non des informations, je suis prêt à les donner, a-t-il ajouté. Je connais la Chine depuis quarante-cinq ans, et mon amitié pour les Etat-Unis est connue depuis longtemps

Les «suggestions» présentées par l'auteur de La Condition humaine ne sont pas minces : M. Nixon, a-t-il froidement déclaré aux journalistes américains abasourdis, devrait proposer à la Chine «une sorte de nouveau plan Marshall. C'est ça le vrai problème, tout le reste n'est que bavardage». Pour M. Malraux, en effet, «la position réelle de la Chine n'est pas ce qu'elle était il y a cinq ans. Il y a cinq ans, une haine totale prévalait à l'encontre des Etats-Unis, une position révolutionnaire contre une position capitaliste. Mais les Chinois aujourd'hui ne s'intéressent plus au problème révolutionnaire. Il ne s'agit pas de penser que Mao fera des concessions au capitalisme, mais la révolution est derrière lui. Staline, l'année de sa mort, n'était pas obsédé par la volonté révolutionnaire qui l'animait à vingt-cinq ans. Ce qui intéresse passionnément Mao, c'est comment hausser le niveau de vie des Chinois. Si les Etats-Unis lui permettent d'augmenter ce niveau, que les Etat-Unis soient capitalistes n'a pas d'importance.»

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André Malraux fut reçu par le Président américain à la Maison blanche le 14 février 1972. Richard Nixon se rendra en Chine du 21 au 28 février 1972.

 

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