D/1962.05.15 — André Malraux : «Allocution prononcée à New York le 15 mai 1962»

André Malraux, «Allocution prononcée à New York, le 15 mai 1962, par Monsieur André Malraux, ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles», discours prononcé à l'occasion du 50e  anniversaire de l'Institut français de New York. Paris, ministère des Affaires culturelles, s.d. [1971], [6 p.].


 

André Malraux

 

Allocution prononcée à New York le 15 mai 1962

(France, culture)

 

Entre tant d'amis de la France, je distingue des visages qui me sont connus depuis bien longtemps; quelques-uns, depuis la fin de la guerre de 1914. Et peut-être tous ceux à qui j'ai l'honneur de parler ce soir m'entendront-ils mieux, si je tente de leur parler à travers ces visages affectueusement fidèles.

Aux pires jours, vous nous avez fait confiance. Quand la France semblait veuve d'elle-même, et quand elle semblait brûler avec ses villes en flammes, quand vous croyiez assister à l'agonie de l'Europe… Et à plusieurs reprises, vous avez fait confiance à l'homme qui, sur le terrible sommeil de mon pays, en maintint l'honneur comme un invincible songe.

Vous y avez eu quelque mérite. Comme vous en avez à nous faire confiance aujourd'hui. Car depuis que la Ve République existe, on vous dit – on nous dit – qu'elle agonise. On nous dit aussi que le peuple français rejetterait la Constitution, que l'Etat ne pourrait ni stabiliser le franc ni rétablir les finances, que le Président de la République était prisonnier des ultras, que jamais le Gouvernement n'oserait arrêter un seul des généraux rebelles. J'en passe. Depuis quatre ans, la Ve République entend s'indigner fort impunément contre son fascisme, des gens qui ont déjà oublié que l'on n'insultait pas les fascistes chez eux; depuis quatre ans, on nous dit que la France n'est pas en train de redevenir la France.

Les accords d'Evian nous affirment le contraire.

Mais ces accords sont une étape, non une fin.

En 1958, quelle était la situation ?

Tous les intérêts auxquels profite la dépendance de l'Etat, un parti communiste puissant, le drame algérien enfin, conjuguaient leurs forces. A Madagascar, les blessures de 1950 étaient encore ouvertes. En un an, au seul prix de la sécession de la Guinée, douze états d'Afrique accèdent à l'indépendance. Sous une forme qui ne restera pas celle de la Communauté ? Peu importe. Nous avions vu ses drapeaux, dont une main blanche et une main noire unies surmontaient la hampe; et lorsque, aux fenêtres de la Libération de Brazzaville, j'ai dressé dans la mienne la main africaine du Président du Congo, une clameur fraternelle a reconnu le drapeau vivant de la Communauté. Du Congo jusqu'au Sénégal, la voix de la France a suscité la plus vieille voix de l'Afrique, le halètement des tambours de guerre qui sont aussi les tambours de danse. Au Tchad, cœur noir du continent où se rassemblaient autrefois quelques centaines de pêcheurs, l'association avec la France a été saluée par l'exaltation de 40.000 danseurs… J'ai eu l'honneur de vous rencontrer à Dakar, Monsieur le Président; rendez-nous cette justice que dans le domaine de la décolonisation, à chacune des attaques dont nous avons été l'objet, nous aurions pu répondre au nom de la plus vaste fête que l'Afrique millénaire ait jamais connue…

 

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