«Le général de Gaulle à Bourges. Sous la conduite de M. André Malraux, il a visité la “Maison de la culture”. Auparavant, le chef de l'Etat avait fait une “halte technique” au radiotélescope de Nançay.» — «Voyage présidentiel sous les acclamations de la foule. “Dans un temps mécanique, matérialiste et précipité, la culture est la condition de notre civilisation”, déclare le chef de l'Etat en inaugurant la Maison de la culture de Bourges», «La Montagne», 15 mai 1965, p. 1 et 10.

Des jeunes gens, des jeunes filles : un accueil chaleureux

Devant la Maison de la Culture, une foule extrêmement nombreuse a fait au président de la République un accueil chaleureux.

Le président de la République est arrivé à Bourges avec vingt-cinq minutes de retard sur l'horaire prévu. Le chef de l'Etat a dû, en effet, s'arrêter entre Nançay et Bourges dans toutes les communes qui jalonnent le parcours, où la population, maire et conseillers municipaux en tête, s'était rassemblée. Le cortège présidentiel a marqué ainsi sept arrêts et partout le chef de l'Etat a reçu un accueil chaleureux. Ce sont de véritables ovations qui, parfois, ont salué le général de Gaulle au cours de ces étapes non prévues au programme.

Devant la façade de briques rouges de la Maison de la culture, sur les hauteurs du vieux Bourges, à quelques mètres de la cathédrale, une foule très nombreuse acclame le général de Gaulle à son arrivée. En cette fin d'après-midi, le soleil est encore brûlant, miroitant sur les vieux toits de tuiles et d'ardoises et accusant la masse puissante de la cathédrale.

La foule est jeune. Les enfants des écoles sont là, bien sûr, mais aussi par centaines, des jeunes gens, des jeunes filles qui, derrière les barrières de métal, applaudissent et crient : «Vive de Gaulle».

Pour cette première sortie en province de l'année, le général de Gaulle reçoit de la part de la population de Bourges le même accueil vibrant, chaleureux, joyeux qu'il reçoit chaque fois qu'il parcourt la province française.

La voiture du général de Gaulle stoppe devant la Maison de la culture. Le chef de l'Etat, qui a à ses côtés MM. Roger Frey, ministre de l'Intérieur, et Jean Escande, préfet du Cher, passe en revue les troupes qui lui rendent les honneurs : un détachement de l'Ecole supérieure et d'application du matériel, et du 95e régiment d'infanterie.

Devant le drapeau de ce régiment, le général de Gaulle, qui a à ses côtés le général Gombeaud, comandant la Région militaire, et le général d'Almont, commandant la place de Bourges, écoute au garde-à-vous La Marseillaise. Les dernières notes résonnent encore que les acclamations montent de la foule dont l'enthousiasme se déchaîne.

 

Des mains tendues au-dessus des barrières

Avant de pénétrer dans la Maison de la culture, le général de Gaulle, de son pas rapide, délaissant les personnalités officielles qui l'escortent, va droit à la foule. C'est alors la scène habituelle des mains tendues au-dessus des barrières, de la bousculade, des cris. Le chef de l'Etat est manifestement heureux de cet accueil. Il sourit, remercie et quitte comme à regret la foule qui le réclame. Devant la Maison de la culture, il est accueilli par André Malraux, ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles, et organisateur de la visite, et M. Raymond Boisdé, député-maire de la ville.

Le colonel de Bonneval, son ancien aide de camp, maire de Thaumiers – localité voisine de Bourges – se trouve parmi l'assistance, ému de revoir le chef de l'Etat auprès de qui il a servi depuis la Libération jusqu'à décembre dernier.

La scène d'arrivée a duré seulement dix minutes. Il est 17 h. 35 quand commence cette visite de la première Maison de la culture complète établie en France.

Le général parcourt les différentes salles, regarde, sans s'émouvoir, une expression d'art abstrait, se désaltère à la cafeteria, écoute quelques mesures d'un concert symphonique, assiste à quelques pas de danse folklorique et pénètre enfin dans le grand théâtre… pour monter sur la scène.

 

«Les immenses usines de rêve»

André Malraux, devant cette salle qui est une des plus modernes d'Europe, reprend dans son allocation ses thèmes habituels, quelque peu vertigineux, sur la culture et le destin de l'homme :

«Le problème capital du monde moderne, dit-il, est celui-ci : les immenses usines de rêve qui se sont créées ont appelé tous les hommes à quelque chose qu'ils ne connaissaient pas si profond en eux, et qui les prend, à partir de ces moments qu'on appelle loisirs, sur les plus vieilles puissances démoniaques du monde : le sang, la sexualité et la nuit. En face de ces puissances, on a compris qu'il n'y a qu'une seule autre puissance. En face de la mort, il n'y a que ce qui résiste à la mort. En face des puissances de la nuit, il n'y a que l'immortalité. Pour des raisons assez mystérieuses, tous les gens qui sont ici ont compris que, tantôt avec la douleur et tantôt avec le rire, ce qui a survécu pendant des siècles était l'arme la meilleure que l'on puisse trouver contre ce qui était en train de les menacer.»

Le général de Gaulle, dans sa réponse, rend hommage à M. Malraux «qui est un des hommes, depuis tous les temps, qui est le plus qualifié pour faire un ensemble de ce que sont les différentes branches de la culture».

Le général exalte cette culture et, pour conclure, le chef de l'Etat annonce qu'il est décidé à créer d'autres centres culturels et aussi un centre national de diffusion culturelle, ainsi qu'un centre de formation des animateurs de la culture.

Encore applaudi à sa sortie, sous le soleil, le président de la République, en voiture découverte, traverse Bourges pour regagner son hélicoptère.


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