La mort d’André Malraux. – «Le Monde», 27 novembre 1976, p. 28. «La postérité d'André Malraux – Ce qu’en pensent des écrivains d’après 1968».

Le Monde, 27 novembre 1976, p. 28.

«La postérité d'André Malraux – Ce qu’en pensent des écrivains d’après 1968».

 

Tandis que se préparent les cérémonies de «l’hommage de la France» à André Malraux, plusieurs appels ont déjà été lancés à la population pour qu’elle assiste ou s’associe à cette manifestation, qui aura lieu le samedi 27 novembre, à 18 heures, dans la cour Carrée du Louvre, à Paris.

André Bord, secrétaire d’État aux anciens combattants, a invité plus particulièrement les présidents des associations d’anciens combattants et victimes de guerre à assister à l’hommage «accompagnés de l’emblème de leur groupement» (entrée par la voûte face à l’église Saint-Germain-L'auxerrois à 17 h. 40).

Bernard Lafay, président du Conseil de Paris – assemblée qui a rendu jeudi son propre hommage à l’écrivain, – s'est adressé plus particulièrement aux Parisiennes et aux Parisiens pour qu’ils viennent nombreux aux cérémonies du Louvre, en se souvenant que «le grand disparu est né à Paris et y avait vécu».

Une autre manifestation est organisée à Verrières-le-Buisson, où la municipalité invite à un dépôt de gerbes sur la tombe de l’écrivain dans le cimetière communal, le samedi 27 novembre, à 11 heures. Ce même jour, à la demande du maire, l’Institut Charles-de-Gaulle ouvrira à Verrières-le-Buisson, de 8 heures à 19 heures, un registre de signatures au centre socio-culturel André-Malraux.

Compagnons, contemporains, auteurs consacrés, se sont amplement exprimés depuis trois jours sur André Malraux. On sait moins l’importance et l’influence que lui reconnaissent les écrivains de moins de trente ans ou qui ont commencé à publier après 1968, cette date servant de repère, non d’étiquette. Voici l’opinion de quelques-uns d’entre eux.

 

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Renaud Camus : un passé de bandes dessinées

Renaud Camus, trente ans. Remarqué par Roland Barthes pour son premier roman Passage (1975, Flammarion, collection «Textes») : Un texte moderne qui requiert un nouveau mode de lecture», dit Barthes. Cette année a publié Echanges (Flammarion, «Textes») sous le pseudonyme d'un pseudonyme d'un personnage tiré de son précédent roman : Denis Duparc.

A Malraux écrivain, je ne pense jamais. Quand j'avais quinze ans, ses livres souffraient auprès de moi d’un préjugé très défavorable, parce que tous mes camarades de classe les lisaient, autant et plus que ceux de Camus. Je me souviens de nombreuses vaines tentatives pour dépasser les dix premières pages de La Voie royale. Ou bien était-ce Les Conquérants ? Sur la Chine de l’entre-deux guerres, et sur la condition humaine, j’aime mieux lire Le Lotus bleu, d’Hergé. Dans mon histoire personnelle du roman, et sous réserve de révision, toujours possible, il n’a aucune place. C’est un écrivain pour les gens qui n’aiment pas la littérature.

Non, ce que j’aime de lui, peut-être, ce sont quelques photographies fanées, en partie imaginaires, entre les ruines, entre les jungles. Et qu’il ait été, avec son passé de bandes dessinées, ses tics évocateurs de drogue mystérieuse, ses effets de mèche, et son lyrisme dément au bord des tombes, l’élégance, la coquetterie, la provocation, fausse, bien sûr, mais tout de même stupéfiante, d’un régime de respectable ancien combattant et de promoteur immobilier : toutes les apparences de la folie au cœur même du pouvoir.


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