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«Noir et Blanc», 23 mai 1945, p. 20. «Pas d'espoir pour l'“Espoir”»

Noir et Blanc, 23 mai 1945, p. 20.

 

Pas d'espoir pour l'Espoir

 

Depuis des semaines, on lutte pour que le film de Malraux sur la guerre d'Espagne, L'Espoir, soit projeté en public. On n'y arrive pas.

Censure ? Pas du tout. La censure ne s'y oppose plus. Ce sont les exploitants des salles parisiennes qui n'en veulent pas, qui ne le jugent pas «commercial». Il ne contient pas de cuisses, n'annonce pas Norma Shearer.

Sans doute, le film n'est-il pas aussi entièrement au point qu'une œuvre de professionnels. Mais n'importe quelle aventure policière ou quelle vadrouille de Fernandel oubliant sa belle-mère chez un entrepreneur de pompes funèbres, serait accueillie avec ferveur, avec joie, par ceux-là même qui refusent de «visionner», «programmer» ou «projectionner» des images aussi sincères.

On frémit devant cet abaissement. Il est effrayant, en effet, que l'âme du public, son instruction, sa culture, ses distinctions, son éducation, son élévation, soient remises à une troupe d'épiciers pour qui le frelaté vaut le sain, et le poison l'aliment pur; non seulement le pain des Français, mais leurs circenses même sont livrés en 1945 aux trafiquants.

Il était important de le noter pour l'histoire de ces années démoralisantes, et pour comprendre pleinement pourquoi le cinéma chez nous n'est pas toujours un art. C'est parce que l'œuvre des vrais artistes, qui existent fort nombreux en France, est finalement dirigée par des commerçants.


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