Image of Robert Poulet : «La vie aventureuse et farfelue d'André Malraux», «Le spectacle du monde», juillet 1971, n° 112, p. 62-67.

Robert Poulet : «La vie aventureuse et farfelue d'André Malraux», «Le spectacle du monde», juillet 1971, n° 112, p. 62-67.

Le temple, caché dans la forêt se nommait Banteay Srei, ce qui signifie forteresse de la pucelle. Les cavaliers s'en approchèrent à grand-peine, précédés d'un vieil indigène qui traçait le chemin au coupe-coupe.

Après un rapide examen des lieux, le jeune homme choisit sept figures de pierre appartenant à un bas-relief, et les dégagea patiemment à l'aide d'une scie à métaux. Les blocs, enveloppés de couvertures, furent attachés à la selle des chevaux. Et le trio reprit la direction d'Angkor, où les sculptures dérobées furent enfouies dans des caisses.

André et Clara Malraux avaient réalisé leur grand dessein…

«Nous irons dans quelque petit temple du Cambodge, nous enlèverons quelques statues, nous les vendrons en Amérique, ce qui nous permettra ensuite de vivre tranquilles pendant deux ou trois ans».

C'est ce qu'André avait expliqué à sa femme. Jeunes mariés, ils avaient insouciamment voyagé, séjourné dans des hôtels de luxe, spéculé sans succès à la Bourse. La fortune de Clara s'était dissipée en fumée. «Qu'allons-nous faire maintenant ?», avait-elle demandé. Et son mari de répliquer : «Vous ne croyez tout de même pas que je vais travailler !»

Ainsi était né le projet cambodgien. Le futur auteur de La Voie royale entendait ne pas se fatiguer, mais il ne manquait pas d'idées.

Celle-là fut financée par des amis, grâce à un coup de bluff dont se chargea Clara.

Le couple était accompagné à travers la jungle par un certain Louis Chevasson, qu'André avait connu à l'école laïque de Bondy. Ils se retrouvèrent en Correctionnelle; car l'Administration française, alertée, intercepta l'expédition, saisit les apsaras subtilisées, et engagea des poursuites contre les explorateurs-chapardeurs.


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