Philippe Sauzay
Malraux et le ministe?re des Affaires culturelles en Mai 68
(Seconde partie)
La première partie du texte de Philippe Sauzay constitue l'article 144 de Présence d'André Malraux sur la Toile (décembre 2012).
La vie du ministère se poursuivait tant bien que mal. Au fur et à mesure, tandis que le flou gouvernemental donnait l'impression que le régime connaissait des difficultés qu'il ne pouvait pas affronter convenablement et qui pouvaient conduire à sa chute dans l'indifférence, le climat se dégradait. Dans les services, nos interlocuteurs habituels commençaient à nous regarder comme des ombres destinées à disparaître sous bref délai. Certains, que nous connaissions et croisions quotidiennement dans les couloirs, ne nous saluaient même plus ou ne répondaient pas à nos saluts.
Les directeurs et chefs de service, qui avaient davantage d'expérience, et pensaient que la vie politique est faite de retournements, et qu'il faut savoir durer, venaient voir Malraux ou nous voir, assez mal à l'aise, le regard sombre et les yeux cernés, et, d'une voix sépulcrale, nous détaillaient les difficultés et les incertitudes du jour, dont l'essentiel provenait des informations qu'ils récoltaient dans une presse suractive. Peu d'idées, peu de dynamisme, on était entre parenthèses, en panne.
Dans cette situation troublée, que faire, en effet, d'utile ? Dans notre domaine, comme dans bien d'autres, on ne discernait pas de revendications véritablement révolutionnaires, mais une collection de mécontentements déjà latents avant mai, avec des bouffées de romantisme pour clamer le désir d'une vie plus belle, auxquels il était difficile d'apporter tout à coup des solutions : malaise des animateurs culturels en tout genre, en particulier dans le théâtre, mise en cause des méthodes d'enseignement des beaux-arts et des arts décoratifs, appel au renouveau culturel et à la discussion permanente. En quoi le mouvement en cours proposait-il des solutions, derrière des slogans sympathiques ou farfelus ? La peur ne nous habitait pas non plus. En dehors des images d'incendies de voitures qui étaient périodiquement diffusées, pas de raison de s'affoler. La gêne croissante que faisaient naître les grèves, l'absence d'essence pour les voitures, et les autres soucis de la vie quotidienne provoquaient plutôt un sentiment de lassitude. L'inquiétude venait d'une certaine peur devant l'absurde : on ne savait pas exactement ce que voulaient les gens qui manifestaient – eux-mêmes le savaient-ils qui ne l'exprimaient pas clairement ? On ne savait pas pourquoi le général de Gaulle, duquel on attendait qu'il sonnât le retour à l'ordre, se trompait dans ses interventions, comme Georges Pompidou, et pourquoi il avait disparu, laissant la France en plan… Les tentatives de politiciens recrus, mais pas tellement convaincus des chances de leur démarche pour remplacer de Gaulle, n'étaient pas prises au sérieux.
Pour lire l’article complet : télécharger le texte.
© Présence d’André Malraux sur la Toile / www.malraux.org
Texte mis en ligne le 26 décembre 2012.
– INEDIT –