Image of Sur le putsch manqué d'Alger, 22-25 avril 1962. 	 «Aspect de la France», 22 avril 1971, n° 1179, p. 8.  A.N. Potier : «22 avril 1961 – Les généraux d'Alger pour sauver l'honneur».

Sur le putsch manqué d'Alger, 22-25 avril 1962. «Aspect de la France», 22 avril 1971, n° 1179, p. 8. A.N. Potier : «22 avril 1961 – Les généraux d'Alger pour sauver l'honneur».

Sur le putsch manqué d'Alger, 22-25 avril 1962.

                      

Aspect de la France, 22 avril 1971, n° 1179, p. 8.

A.N. Potier : «22 avril 1961 – Les généraux d'Alger pour sauver l'honneur».

 

Alger, 22 avril, 3 heures du matin. Alger tombe comme une belle fille entre les mains des paras du 1er R.E.P. Personne ne s'est aperçu de rien, la ville endormie n'a pas entendu de coups de feu, ou de détonations. Ou du moins pas plus que d'habitude. Dans le petit matin du mois d'avril, c'est la surprise pour les premiers levés : au coin des rues, aux carrefours, dans les bâtiments principaux, les paras en tenue léopard montent la garde. Et pour les premiers Algériens levés, c'est la joie de retrouver des soldats sur lesquels on peut compter.

Un peu plus tard, alors que la ville s'éveille tout à fait, d'autres Algérois ont la surprise d'entendre sur les ondes de France V, rebaptisée Radio-France : «Je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud en liaison avec le général Salan, pour tenir notre serment : le serment de l'armée de garder l'Algérie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien». C'est la voix du général Challe. La radio continue de passer des marches militaires, des enregistrements de «concerts de casseroles» scandant «Algérie française». Maintenant la ville le sait : l'armée de ceux qui se battaient et mouraient dans les djebels, l'armée des légionnaires et des parachutistes, l'armée de ceux qui étaient restés fidèles à l'honneur, avait pris le pouvoir.

La population d'Alger commence à se rassembler sur le Forum, pour en savoir plus, pour avoir des nouvelles. Partout c'est la joie qui éclate. Les gens vont en groupe vers le Forum, soulagés : enfin, des généraux – et pas des moindres – ont réagi ! Au carrefour des rues, les passants s'attardent à discuter avec les Bérets verts qui ont monté la garde toute la nuit. On leur apporte à boire, à manger. Alger a retrouvé ses légionnaires, ceux de la terre africaine, enfants de Sidi-Bel-Abbès.

Certains Algérois s'inquiètent de savoir comment les choses vont tourner, mais leurs inquiétudes sont vite étouffées par l'espèce de liesse qui anime la ville. Une ville dégagée de ses gendarmes, une ville où les concerts de klaxon se font plus nombreux qu'à l'accoutumée. Dans la foule, on entend, cent fois repris, les noms de Salan, de Jouhaud, certains civils parlent même de l'O.A.S., cette organisation d'auto-défense dont le sigle est apparu sur les murs de la ville, le 5 mars dernier. Le chant, «c'est nous les Africains», éclate plusieurs fois, repris par tous. Sur le Forum il y a vite plusieurs milliers de personnes auxquelles se mêlent les Bérets verts.

Le dimanche 23 avril, la radio a repris ses communiqués de victoire. Les Algérois – ceux qui se sont couchés – se sont levés très tôt. On veut profiter pleinement de cette journée. Mais certains savent déjà que tout n'est pas gagné : plusieurs généraux hésitent et préfèrent attendre plutôt que de s'engager à fond dans le putsch. Une longue pratique des bureaux fait perdre le goût de l'action. Et puis la prudence est aussi l'apanage de certains militaires. Dans les rues de la ville, l'O.A.S. est partout. Le commissariat central d'Alger a été pillé et les armées récupérées. Tous les prisonniers «Algérie française» sont libérés et des groupes de civils traquent ceux qu'ils pensent être opposés au putsch. De là naissent quelques heurts avec l'armée qui veut maintenir l'ordre. Ce sont les Bérets verts qui sont chargés d'encadrer la foule. Salan est arrivé d'Espagne et a rejoint Challe, Zeller et Jouhaud au G.G.

Le lundi matin, la foule commente le discours que de Gaulle a prononcé la veille au soir. Si ce discours ne change rien à la détermination des pieds-noirs, il crée néanmoins un certain flottement chez les militaires qui s'étaient cantonnés dans un attentisme peureux.

Et puis le contingent qui n'attend que la quille, les officiers qui jalousent les unités d'élite, se rebiffent – on apprend qu'en Kabylie, le ralliement au putsch ne s'est pas fait. Sur le Forum la foule applaudit à tout rompre les quatre généraux et leur crie sa confiance.

Mardin matin, rien ne va plus. Les Algérois sont revenus sur le Forum. Mais le ressort est cassé. Tout le monde se rend compte de l'échec. On ne sait plus qui commande à qui. Dans les couloirs du G.G., passent des civils en armes, mêlés à des paras qui attendent. Tout le monde attend d'ailleurs dans l'inquiétude. Challe tente une dernière fois d'organiser la défense de la ville. C'est peine perdue.

Le mardi soir, à 1 heure du matin, le Putsch a vécu. Il aura duré cinq jours et quatre nuits. Dans la nuit le 1er R.E.P. évacue le G.G. sans bruit. Les hommes de la légion quittent la ville aussi discrètement qu'ils y étaient entrés. Ni les gendarmes, ni les zouaves ne prennent le risque d'essayer de les arrêter. Et, non loin du G.G., Salan et Jouhaud, vêtus en civil, se fondent dans la nuit. Ils vont continuer le combat, quand même. Pour l'honneur…


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