art. 98, avril 2011 • Françoise Theillou : «Malraux et le Retable d’Issenheim» (INEDIT)

Autour de l'An Mille, une peste inconnue, venue de l'Est de L'Europe, affecte l'Italie, le Dauphiné, l'Alsace. Ceux qui en sont atteints brûlent d'un feu intérieur qui les consume jusqu'à la mort, d'où son nom de Mal des ardents. Leur corps se tord sous d'atroces convulsions et ils sont la proie d'infernales hallucinations. Une gangrène sèche, autre manifestation de la maladie, s'empare de leurs extrémités nécrosées qui se détachent de leurs membres, bien avant qu'ils n'en meurent. Les victimes se croient possédées du démon, à l'image de Saint-Antoine tourmenté par le diable au Désert : ils invoquent sa protection. Le saint même donne son nom à la maladie, Feu de Saint-Antoine. L'ordre religieux éponyme, les Antonins, se charge de les secourir. Ils traitent les malades à l'aide d'un breuvage, le Saint-Vinage, où ils ont fait macérer des simples et trempé des reliques de Saint-Antoine. Surtout, ils  les nourrissent de pain blanc et de porc, l'animal « totémique » du saint, qui font régresser la maladie.

Cependant, le Moyen-âge ne distingue guère la maladie de la malédiction. S'interroger sur ses causes pouvait même relever du sacrilège : Job contre Hippocrate. D'où l'étrange aveuglement à l'égard de la maladie en question, l'ergotisme, issu de la consommation de pain de seigle infecté par un champignon toxique, l'ergot, ainsi dénommé d'après l'éperon qu'il forme sur la plante céréalière.

L'essentiel du traitement de cette terrible affection, dans ces conditions, résidait moins dans les soins apportés au corps que dans une pédagogie mystique de la souffrance et de la rédemption inséparable de la Passion du Christ. Le chrétien, atrocement atteint dans sa chair, était donc appelé à rejouer pour son compte la crucifixion de Jésus dans la nuit du Golgotha, une nuit de Jugement dernier qui lui assurerait peut-être le paradis. Comment mieux que par une image saisissante rendre sensible à ces misérables illettrés nourris de pain noir la scène originelle de leur supplice et leur mystique délivrance ?

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© Présence d’André Malraux sur la Toile / 13 avril 2011

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