Il y a un demi-siècle, le héros publiait L'Espoir. Il y a dix ans, en octobre 76, le même, déguisé en monument national, nous quittait. Du rebelle au notable excentrique, Malraux fut une authentique figure moderne. L'aventure pour l'aventure… Il est urgent de redécouvrir cette éthique derrière le masque de l'écrivain illustre.
L'oubli ou la négligence de l'œuvre de Malraux peuvent, aujourd'hui, se justifier en eux-mêmes sans passer par les polémiques qui se sont créées ou défaites autour du personnage. A cet égard, mes vingt-cinq ans se révèlent un motif d'indulgence et de magnanimité, comme si le problème Malraux s'était dilué dans ses propres méandres, comme si la déperdition d'énergie qu'il y avait à vouloir dénouer le nœud des contradictions, l'avait trop affaibli pour franchir la barrière des générations. L'oubli de Malraux avait parfois cette véhémence et cette vindicte d'un adolescent pour la figure archaïque du Père : instinctif, sottement péremptoire.
Il y eut, en tout cas, quelques anecdotes assez malveillantes pour nous pousser dans ce sens : Jean-Louis Barrault expulsé en mai 68 du Théâtre de l'Odéon pour des propos désobligeants adressés au minitre de la Culture Malraux. Lequel sanctionne avec la brièveté d'une injonction : J'estime que vous ne pouvez plus continuer d'assumer la direction de ce théâtre… Quelques éditeurs lui avaient un jour demandé d'influer sur les poursuites pour «outrage aux bonnes mœurs» des livres de Bataille, de Sade et de Pauline Réage. A quoi l'ancien ministre a rétorqué : Il y a des Lois en France qu'il faut respecter !