Image of André Ulmann, «La condition d'André Malraux», «Gavroche», 29 novembre 1945, p. 1 et 4.

André Ulmann, «La condition d'André Malraux», «Gavroche», 29 novembre 1945, p. 1 et 4.

La condition d'André Malraux

 

Quel temps étrange que celui où un écrivain, après avoir cessé de publier en France pendant plusieurs années, laisse ou fait parler de lui parce qu'il devient ministre ! Comment ne serait-on pas tenté, après cela, de prendre position par rapport à André Malraux politique, plutôt que par rapport à André Malraux écrivain ? Ecartons – essayons à tout le moins d'écarter – cette tentation, à quoi lui-même nous provoque. Mais cette ambiguïté est dans toute son œuvre et il faut savoir, par avance, que nous en aurons une vue fort incomplète en nous défendant sans cesse du désir de polémiquer ou d'analyser ses positions politiques.

Ce regret laisse entendre assez que je ne suis pas d'accord sur le fond avec lui. Et je tenterai de ne plus me placer de ce point de vue. Mais il fallait loyalement prévenir de ce qui pourra donner une couleur à mon jugement, si objectif qu'il se veuille; car je ne suis pas de ceux qui écrivent comme s'il s'agissait d'excuser (et même de justifier) André Malraux : Quelques grandes phrases du Malraux de la bonne époque, à travers les confusions qu'il n'a pas résolues, ont plus fait de communistes que le Malraux d'aujourd'hui n'en peut défaire.

 

Si Gavroche m'a demandé de parler à ses lecteurs d'André Malraux, c'est parce qu'on imaginait, je pense, que je le connaissais un peu. Mais dans la perspective où nous voulons le placer, il ne sert de rien de le «connaître un peu»; mieux, je ne le connais pas plus que n'importe lequel de ses lecteurs, je ne veux rien connaître de plus.

J'ai relu, il n'y a pas si longtemps – partie en captivité, avant 1943, partie depuis mon retour – à peu près toute l'œuvre de Malraux; oui, même La Tentation de l'Occident, qui est son premier livre, et Le Royaume Farfelu, qui est épuisé et n'est plus guère connu que pour avoir donné naissance à une expression qui fit fortune aux Deux-Magots – quartier général d'une certaine littérature, avant que le Flore ne devint celui de sa suivante immédiate, qui en découle.


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