Image of Christian Millau : «Lawrence et Malraux ont-ils été complices de leur légende ?», «Bulletin de Paris», n° 64, 31 décembre 1954, p. 8.

Christian Millau : «Lawrence et Malraux ont-ils été complices de leur légende ?», «Bulletin de Paris», n° 64, 31 décembre 1954, p. 8.

Extrait :

On conviendra avec M. Frohock que s'il est vrai qu'à l'exemple de son héros, Vincent Berger, Malraux fuit la légende (sa peur des journalistes peut le faire croire), sa célébrité est l'échec le plus éclatant de sa carrière.

Le critique américain déclare que toutes les relations biographiques sur Malraux sont fausses. Il s'avoue lui-même incapable d'en dresser une qui soit complète.

Ce brouillard épandu sur la vie du romancier n'est pas fortuit. M. Frohock ne croit pas que Malraux soit la dupe de sa légende mais au contraire qu'il l'encourage par son silence. D'ailleurs, peut-on rêver personnage se prêtant mieux à un pareil jeu, lui dont Maurice Sachs écrivait : «Il porte un irrésistible air d'aventure, de décision, de mélancolie» ? Il n'est évidemment pas très recommandé de se fier aux jugements de Maurice Sachs mais il n'est pas certain qu'il le soit beaucoup plus de suivre l'opinion générale d'après laquelle l'auteur des Conquérants et de La Condition humaine aurait été le témoin d'événements qu'il aurait personnellement vécus. En se retranchant derrière son silence, Malraux accrédite toutes les versions fantaisistes de ses aventures comme s'il craignait que l'on fit un sort trop rapide à cette formule qui lui tient tant à cœur : «La réussite d'un homme d'action est celle de son action, non la preuve de son aptitude à l'action…»


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