«Courrier international», 24 au 30 juillet 1997, n° 351, p. 28-30. Simon Leys : «Malraux, le fabricant de mythes»

Courrier international, 24 au 30 juillet 1997, n° 351, p. 28-30.

 

Simon Leys 

Malraux, le fabricant de mythes

«Il est prodigieusement difficile d'être un homme qui ne veut rien»

En 1976, à sa mort, ce furent des dithyrambes presque unanimes. Vingt ans plus tard, en novembre 1996, lors de son entrée au Panthéon, on entendit le même concert de louanges, à de rares bémols près… André Malraux fut-il ce génie, ce grand écrivain, cet aventurier merveilleux et ce fin politique que certains intellectuels français – faute de parvenir à l'imiter – encensent trop volontiers ? La Condition humaine est-elle un bon roman ? A l'occasion de la publication d'une biographie, The New York Review of Books, le plus prestigieux des journaux littéraires américains, a demandé à Simon Leys de revenir sur le cas Malraux. Romancier lui-même, traducteur de Confucius, sinologue et bon connaisseur de la Chine contemporaine, Leys, qui vit aujourd'hui en Australie, tire un portrait sans complaisance de ce «révolutionnaire» passé au gaullisme.

 

* * *

 

The New York Review of Books

 

Malraux au panthéon[1]

L'histoire est un peu réchauffée, sans doute mais elle est encore pertinente. Dans une église bondée, le prêtre monte en chaire et prononce un sermon émouvant. Tout le monde sanglote. Un homme, cependant, garde les yeux secs. Quand on lui demande les raisons de cette étrange insensibilité, il répond : «C'est que je n'appartiens pas à cette paroisse». Je ne suis pas français, mais le français est ma langue maternelle et quand je me trouve en France je me sens comme chez moi – à une exception près. Chaque fois que la question Malraux arrive sur le tapis, l'évidence me frappe : je n'appartiens pas à cette paroisse. J'ai à nouveau éprouvé ce sentiment l'année dernière, lorsque la dépouille de Malraux fut transportée au Panthéon.

Je l'avais ressenti pour la première fois il y a vingt ans. En novembre 1976, à la mort de Malraux, un hebdomadaire parisien me proposa de rédiger une page sur le thème : Que représentait Malraux pour vous ? J'ai toujours pensé que la mort n'était pas une excuse pour dissimuler son jugement; je pensais naïvement que les éditeurs du magazine attendaient de moi une opinion sincère – ce que, précisément, j'exprimai dans mon papier. Ils furent horrifiés et écartèrent aussitôt ma scandaleuse contribution. Et pourtant, dans mon innocence, je n'avais fait que répéter ce qui, de Koestler à Nabokov, était déjà évident aux yeux lucides de nombreux critiques étrangers, à savoir que Malraux était, essentiellement, bidon.

Sur la tragédie de la révolution chinoise, par exemple, au lieu de perdre son temps avec la très artificielle Condition humaine, mieux vaut lire le récit qu'en fit Harold Isaacs; lui, au moins, savait de quoi il parlait. (La première édition de la Tragédie de la révolution chinoise d'Isaacs parut en 1938, mais il fallut attendre trente ans avant qu'une traduction française soit enfin publiée[2].)

A l'époque, Malraux, qui n'avait passé que quelques jours en Chine comme simple touriste en transit, fit croire au public français qu'il avait été commissaire du peuple pendant la révolution chinoise. Plus tard, l'épilogue de ses aventures chinoises – sa fameuse entrevue avec Mao Zedong en 1965 – se révéla une fanfaronnade tout aussi impudente. Un sinologue français a récemment comparé la description faite par Malraux de cet épisode (dans ses Antimémoires) à deux autres récits contemporains de l'entrevue en question – l'un en chinois (d'après les notes prises par l'interprète de Mao, que des fuites mirent plus tard entre les mains des Gardes rouges et qui furent publiées en Chine durant la Révolution culturelle) et l'autre en français[3] (le texte en fut établi par l'ambassade de France à Pékin). La comparaison révéla que les trois heures de dialogue cosmique entre ces deux géants philosophico-révolutionnaires de notre siècle s'étaient en fait limitées à un échange anodin de platitudes diplomatiques qui dura à peine une demi-heure. Pourtant, à un moment de cette brève et par ailleurs banale entrevue, Mao, qui ruminait déjà sa «Révolution culturelle», y fit une allusion prémonitoire en faisant remarquer que les écrivains et intellectuels étaient profondément corrompus par le «révisionnisme», mais que la jeunesse pourrait bien être mobilisée face à ce fléau contre-révolutionnaire. Ces quelques mots préfiguraient la gigantesque explosion qui devait secouer la Chine l'année suivante. Tout interlocuteur doué d'un minimum de bon sens et disposant d'un minimum d'informations aurait saisi la signification réelle de cette allusion, bondi sur l'ouverture inattendue ainsi ménagée et se serait empressé d'approfondir la question. Or Malraux, dans son aveuglement, ignora la perche qu'on lui tendait, et Mao, qui à cet instant dissimulait à grand peine son impatience, conclut abruptement l'entretien.

Sur la guerre d'Espagne, qui, après avoir lu Orwell, pourrait encore prendre au sérieux le grotesque amphigouri de Malraux ? A côté de la vigoureuse vérité d'Hommage à la Catalogne, les discours vains et brumeux de L'Espoir sonnent aussi creux qu'une envolée de Café du commerce. Quant au Musée imaginaire – une astucieuse imitation de l'œuvre de l'historien et critique d'art Elie Faure (dont Malraux prend grand soin de ne jamais mentionner le nom) –, il y a longtemps que Georges Duthuit a démontré, dans son féroce et érudit Musée inimaginable (en trois volumes), que l'incursion de Malraux dans l'histoire de l'art constituait sans doute son œuvre de fiction la plus audacieuse[4].

Sur ses vieux jours, Malraux confia à Bruce Chatwin (autre séduisant bâtisseur de mythes – moins grand prophète mais meilleur écrivain) : « En France, les intellectuels sont généralement incapables d'ouvrir un parapluie[5]. Si cette observation est exacte, elle pourrait bien expliquer l'étrange mais durable prestige dont Malraux a toujours joui auprès de ces mêmes intellectuels : des gens qui sont trop gauches pour se servir de leur propre parapluie doivent évidemment considérer d'un œil admiratif un homme qui sait tirer à la mitrailleuse, conduire un char et piloter un avion. (En réalité, bien que Malraux ait organisé une escadrille aérienne pendant la guerre d'Espagne et se soit bombardé colonel en prenant le commandement d'une brigade blindée de résistants français à la fin de la Seconde Guerre mondiale, son expérience aérienne se limitait à celle d'un simple passager; et il n'a même jamais appris à conduire une voiture – ce que, à vrai dire, je trouve très touchant, mais il faut dire que j'ai souvent moi-même des difficultés à ouvrir mon parapluie.)

Si on le débarrasse de sa panoplie héroïque et haute en couleur (de guerrier et d'aventurier) et que l'on concentre son attention dans les domaines plus austères de la littérature et de la critique, où les accessoires de scène et autres artifices ne sont plus d'un grand secours, que reste-t-il finalement de la légende que Malraux a tissé à sa propre gloire ? Nabokov – qui considérait Malraux comme «un écrivain de troisième ordre» et s'étonnait de l'admiration que lui témoignait Edmund Wilson («Je n'arrive pas à comprendre que vous aimiez les livres de Malraux – à moins que vous ne me meniez en bateau ?») – remarqua à propos de La Condition humaine : «Je me souviens d'une inscription en lettres dorées qui a fasciné mon enfance, “Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens.” Eh bien, l'œuvre de Malraux appartient à la compagnie internationale des grands clichés.» Il poursuivait en énumérant une liste hilarante de questions rhétoriques, demandant par exemple à Edmund Wilson : «Expliquez-moi donc ce que signifie “le grand silence de la nuit chinoise” (essayez avec “la nuit américaine”, “la nuit belge”, etc. et voyez ce que ça donne…[6]).»

Remarquons toutefois que, même en France, il y eut un certain nombre de connaisseurs qui exprimèrent en privé de semblables réserves. Sartre décela assez tôt le problème : Oui, Malraux a du style – mais il n'est pas bon». Dans une lettre à Simone de Beauvoir, il avouait : «La Condition humaine est infectée tour à tour de passages ridicules et de pages mortellement ennuyeuses». Tout comme Nabokov, il trouvait la technique narrative de Malraux vieillotte et entachée d'une déplorable ressemblance avec la pire fiction soviétique. Quant au Temps du mépris, il le considérait simplement comme «profondément abject». (Pour Nabokov, il s'agissait d'un «pesant ramassis de clichés»). A l'occasion de sa laborieuse lecture de L'Espoir, Sartre ajoutait : «Je m'efforce d'aller jusqu'au bout de ce livre, peut-être plein d'idées, mais ennuyeux à un point ! Ce type semble manquer d'un petit quelque chose, mais bon sang, il en manque fichtrement[7] !

Le romancier et essayiste Jacques Chardonne, qui professe des opinions discutables sur certains autres sujets, mais qui connaissait sans aucun doute l'art subtil de la prose française, identifia la racine du problème du baragouin de Malraux (son galimatias) : «J'ai essayé de lire Malraux, et cela m'a mis en colère. Je refuse de faire le travail à sa place. Qu'il tire d'abord ses idées au clair. Une fois qu'il saura ce qu'il pense vraiment, il deviendra capable d'exprimer ses idées, mieux et plus vite[8]».

Un philosophe grec de l'Antiquité a dit un jour que, si les chevaux avaient des dieux ceux-ci ressembleraient à des chevaux. Toute société place dans son panthéon les idoles qu'elle mérite et en lesquelles elle peut se reconnaître. Notre époque s'est jusqu'à présent révélée celle du simulacre et de l'amnésie. Pourtant, à ce stade, vous pourriez vous demander si l'acrimonie avec laquelle j'ai déploré l'entrée de Malraux au Panthéon parisien ne dissimulait pas quelque rancœur – eh bien, vous auriez deviné juste !

Ce qui m'ennuie, c'est ceci : en 1935, Boris Souvarine, ancien secrétaire de la IIIe Internationale qui avait fui Moscou pour revenir à Paris, écrivit la première analyse documentée de la meurtrière carrière politique de Staline. Cette œuvre monumentale et courageuse demeure à ce jour un élément essentiel dans la dénonciation des crimes staliniens. Le livre fut réédité en 1977, peu avant la mort de Souvarine. Dans la préface qu'il écrivit pour la nouvelle édition, Souvarine rappelle les infâmes et sinistres obstacles qu'il dut surmonter lorsque, quarante ans auparavant, il tenta pour la première fois de publier son chef-d'œuvre historique à Paris. A l'époque, les membres les plus en vue de l'intelligentsia française l'évitaient comme un pestiféré. Malraux, qui aurait pu faire publier le livre chez Gallimard, refusa carrément de lui apporter son soutien, mais du moins fut-il franc. «Souvarine, lui dit-il, je sais que vous et vos amis avez raison. Toutefois, pour l'instant, ne comptez pas sur moi pour vous soutenir. Je serai avec vous quand vous serez les plus forts[9]

Et pourtant… Einstein qui était bien placé pour connaître la question – fit un jour observer que les bonnes idées étaient rares. Il me paraît que Malraux a énoncé deux vérités importantes – ce qui, après tout, représente un palmarès respectable, bien supérieur à ce que l'on est généralement en droit d'attendre de la plupart des gens de lettres :

  • Primo : Malraux, qui vénérait T.E. Lawrence et rêva toute sa vie de l'imiter, a perçu avec précision ce qui rendait ce héros ambigu vraiment inimitable. Il confia à Roger Stéphane que en réalité, Lawrence ne désirait absolument rien». Et il ajouta : «Il est prodigieusement difficile d'être un homme qui ne veut rien[10]».
  • Secundo : A la toute première page de ses Antimémoires, il note une réflexion qui devrait à jamais glorieusement figurer comme un contrepoids aux pesants et interminables convois de la Compagnie internationale des grands clichés. Quand il demanda à un vieux prêtre ce qu'il avait appris de la nature humaine après avoir passé une vie entière à recueillir les confessions de ses ouailles, l'homme répondit : «Fondamentalement, qu'il n'y a pas d'adultes».

 

La biographie de Malraux par Curtis Cate

Tristan Bernard disait qu'il ne lisait jamais les livres dont il devait faire la critique car il avait peur que son impression soit biaisée. Il avait sans doute raison; l'acquisition du savoir peut inutilement compliquer de nombreuses entreprises. Après avoir lu la biographie de Malraux par Curtis Cate (Malraux, A Biography, Fromm, NewYork) – un travail remarquable fondé sur de solides recherches, incisif et rempli d'informations –, je réalisai que, dans ce que je venais d'écrire, j'avais négligé un aspect de notre sujet. Le fait est que Malraux était, de toute évidence, un génie. Mais déterminer en quoi il était génial, voilà qui reste ardu à établir.

Presque tous ceux qui ont eu avec lui un contact direct sont tombés sous le charme – et je ne parle pas ici d'écoliers naïfs mais d'écrivains célèbres, dont certains avaient deux fois son âge, tout comme d'éminents penseurs, hommes d'Etat, meneurs d'hommes, saints moines, vieux politiciens madrés, mondains, journalistes cyniques, modestes prêtres. Dans sa jeunesse, il leur apparut comme un prodige; à la maturité, il fut leur héros; vieux, il devint un prophète. A tout âge, nous apprend Cate, il fascina et éblouit un public nombreux et divers. Dans son exil, le vieux Trotski fut à ce point impressionné par sa rencontre avec le jeune aventurier fiévreux et volubile qu'il écrivit aussitôt à ses éditeurs américains pour qu'ils publient une traduction américaine de La Condition humaine. Gide – en qui l'intelligentsia littéraire française voyait le Goethe du XXe siècle, et qui avait trente ans de plus que Malraux – fut conquis par sa conversation et regretta en privé ne pas être capable de suivre ce feu d'artifice intellectuel permanent.

Malraux lui-même n'avait guère de patience avec les esprits médiocres : «Je ne discute pas avec les imbéciles.» (Ce qui, d'ailleurs, pourrait expliquer pourquoi il fut si mauvais romancier : qu'est-ce que la vie, au bout du compte, sinon un long dialogue avec des imbéciles ?) Soumis à ses rapides monologues crachés sans rémission en stupéfiantes rafales, les interlocuteurs les plus intelligents se sentaient comme des benêts et les esprits les plus acérés restaient sans voix. Et Cate montre clairement que son machisme plutôt agressif n'empêcha jamais des femmes brillantes et pleines de talent de lui offrir leur amour passionné. Sa première épouse était une femme à la culture cosmopolite, qui le soutint intellectuellement, spirituellement et financièrement (Malraux se débrouilla pour jouer et perdre toute la fortune de sa femme à la Bourse avant de lui annoncer triomphalement : «Tu ne crois quand même pas que je vais me mettre à travailler ?») Cate nous raconte aussi que, lorsqu'elle osa envisager des ambitions littéraires pour elle-même, Malraux l'avertit : «Il vaut mieux que tu sois ma femme plutôt qu'un écrivain de second ordre.»

Grâce à son palmarès militaire fantaisiste, il parvint à s'assurer la loyauté aveugle d'authentiques héros de guerre. Bien que singulièrement dépourvu d'humour, il s'attira l'affection durable de l'une des femmes les plus spirituelles de son temps (Louise de Vilmorin). Et même le général de Gaulle (qui en fit son ministre des Affaires culturelles) toléra ses plus bizarres et grotesques initiatives avec une patience inhabituelle chez lui; ses collègues du gouvernement furent d'abord surpris, puis finirent par conclure avec philosophie : «Malraux est fou, mais il amuse le Général.»

Il bâtit d'abord son singulier magnétisme sur des mensonges éhontés, puis l'enrichit par une permanente et irrésistible mythomanie qui s'exprimait dans un flot verbal ininterrompu. A la fin, pourtant, ses prestations théâtrales se firent convaincantes, et même respectables, car elles étaient soutenues par une bravoure qui n'était en rien contrefaite. Lorsqu'il s'aventura avec sa jeune épouse dans la jungle cambodgienne pour démonter et voler des sculptures monumentales khmères, ou encore lorsque, pour retrouver la capitale mythique de la reine de Saba, il survola le Yémen sans carte ni réserve suffisante de carburant, il s'agissait certes d'entreprises discutables et insensées (bien analysées par Cate), mais qui demandaient par ailleurs un courage physique considérable. Il prenait sans cesse d'énormes risques; il mena une vie agitée et dramatique dans une époque agitée et dramatique.

Aujourd'hui, ses écrits sont difficilement lisibles à froid – ils sont guindés, pompeux, creux, confus, verbeux, obscurs –, mais, chaque fois que nous rencontrons l'homme lui-même (par exemple dans le compte rendu de ses conversations avec Roger Stéphane, son fidèle et vif Boswell, ou dans une bonne biographie comme celle de Cate), on sent aussitôt qu'un peu de la vieille magie est de nouveau à l'œuvre. A la jeune et jolie maîtresse de Malraux (dont la mort précoce dans un horrible accident devait le secouer) une connaissance bien intentionnée avait dit un jour qu'elle devrait mettre fin à une liaison qui ne représentait aucun avenir pour la fille de respectables bourgeois. A quoi elle répliqua, d'après Cate : «Je préfère une aventure avec un type comme lui qu'un mariage avec un inspecteur du fisc.» Son choix donquichottesque devait entraîner beaucoup de douleur et de sacrifice, mais l'on est en droit d'apprécier sa sagesse. Malraux pouvait tour à tour se montrer imposant ou ridicule, héroïque ou absurde – il n'était jamais médiocre. (Et ses aventures ont enthousiasmé nos vingt ans : l'oublier serait nous priver de la meilleure part de notre propre jeunesse.)

[1] En novembre de l'année dernière, à l'occasion du vingtième anniversaire de sa mort, Malraux bénéficia de la forme d'immortalité que la France accorde à ses plus illustres héros culturels : sa dépouille mortelle fut transportée en grande pompe au Panthéon.

[2] La Tragédie de la révolution chinoise, traduit par R. Viénet, Paris, Gallimard, 1967.

[3] Mais que se sont dit Mao et Malraux ? J. Andrieu, dans Perspectives chinoises, n° 37, octobre 1996. (Une version abrégée de cet article fut publiée dans le Nouveau Quotidien, Lausanne, 5 décembre 1996.)

[4] Le Musée inimaginable, Georges Duthuit, José Corti, Paris, 1956. Georges Duthuit mit en évidence, avec une grande et érudite précision, les innombrables bourdes historiques que contient l'ouvrage de Malraux Musée imaginaire : les voix du silence. Il épingla également sa vacuité, son obscurité, ses illogismes et autres erreurs factuelles. Sa démonstration (en deux volumes de textes et un volume d'illustrations) était brillante, rigoureuse et dévastatrice – mais elle ne toucha qu'un petit cercle de spécialistes. Sa principale conclusion était que la philosophie artistique de Malraux reposait sur une interprétation historique inconsistante et erronée.

[5] In Qu'est-ce que je fais là ? Bruce Chatwin, LGF, Paris, 1994.

[6] In The Nabokov-Wilson Letters 1940-1971, édité par Simon Karlinsky, Harper and Row, 1979, p. 175.

[7] In Lettres au Castor, Jean-Paul Sartre, vol. 2, Gallimard, Paris, 1983, pp. 159, 163, 167 et 192.

[8] Lettre à Roger Nimier, 8 janvier 1953, dans la Correspondance de Jacques Chardonne et Roger Nimier (Gallimard, Paris, 1984, p. 91). Curtis Cate fournit (p. 372) deux échantillons du «galimatias» de Malraux (choisis parmi plusieurs centaines d'autres) : «Le langage des formes de Phidias ou de celles du fronton d'Olympie, aussi humaniste soit-il, est également aussi spécifique que celui des maîtres de Chartres et de Babylone ou que celui des sculptures abstraites, parce que, à l'instar de celui des grands Italiens des XIVe-XVIe siècles, il modifie simultanément la représentation et son style.» Ou encore : «Entre la Nature morte à la pendule de Cézanne, qui prétend n'être que de la peinture, et ses toiles qui sont devenues un style, resurgit l'appel qui hisse Bach au-dessus et contre la musique nègre, et Piero della Francesca au-dessus et contre les arts barbares – l'art de la maîtrise opposé à celui du miracle.»

[9] In Staline, Boris Souvarine, Champ libre, Paris, 1977, pp. 11-12.

[10] In André Malraux, entretiens et précisions, Roger Stéphane, Gallimard, Paris, 1984, p. 91.


Simon Leys, alias Pierre Ryckmans, a toujours été hostile par principe envers André Malraux. 


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