Image of «Le premier récit de l'idylle exceptionnelle qui unissait André Malraux et Louise de Vilmorin “Les amoureux de Verrières” – Un chapitre du livre de Pierre Galante : “Malraux, quel roman que sa vie”», «Elle», 23 août 1971, n° 1340, p. 4-9.

«Le premier récit de l'idylle exceptionnelle qui unissait André Malraux et Louise de Vilmorin “Les amoureux de Verrières” – Un chapitre du livre de Pierre Galante : “Malraux, quel roman que sa vie”», «Elle», 23 août 1971, n° 1340, p. 4-9.

«Le premier récit de l'idylle exceptionnelle qui unissait André Malraux et Louise de Vilmorin “Les amoureux de Verrières” – Un chapitre du livre de Pierre Galante : Malraux, quel roman que sa vie», Elle, 23 août 1971, n° 1340, p. 4-9.

 

C'est au cours d'un déjeuner chez Chanel que Louise de Vilmorin et André Malraux se sont rencontrés après s'être perdus de vue pendant très longtemps. Pierre Galante appelle cela «les retrouvailles du destin». En effet Malraux vit de plus en plus séparé de sa femme Madeleine qui voyage à travers le monde, donne des récitals de piano et se plaît surtout aux Etats-Unis…

Après ce déjeuner où ils se sont «revus», la DS officielle d'André Malraux le dépose et va conduire Louise jusqu'à son château de Verrières-le-Buisson (à quarante minutes de Paris, dans le département de l'Essonne).

* * *

«— Adieu, Monsieur le Ministre ! s'écrie Louise en tapotant sur la glace de la voiture.

— Adieu, surtout pas ! répond André Malraux en lui envoyant un baiser du bout des lèvres. A très bientôt.»

A trente-trois ans de distance, il a tenu sa promesse. Il est revenu vers Louise en homme riche, en ministre inamovible, en conseiller puissant et écouté du général de Gaulle.

— Nous sommes Chateaubriand et Mme Récamier. (C'est Louise qui parle.)

— Je ne voudrais pas vous quitter. Je commence à détester le travail qui m'arrache à vous, répond André.

— Ne vous efforcez pas de mentir. Le travail vous est plus nécessaire que l'air que nous respirons tous deux.

— Comme elle est douce à l'homme, la femme qui le comprend !

— Ce langage vous ressemble peu ! fait remarquer Louise.

— Je vous prenais pour une dame de compagnie et vous êtes une vraie compagne.

Le décor : un salon bleu du rez-de-chaussée du château familial de Verrières. Aux murs, un grand portrait équestre de Louis XIV, divers portraits de famille et, sur les tables, des petits tableaux de Christian Bérard, Jean Hugo, des dessins de Zwoboda. Devant la cheminée en marbre rose, une causeuse à trois places dans laquelle personne ne tourne le dos à son voisin. De petites tables gigognes sont utilisées pour le café et les rafraîchissements. Sur une grande table ronde, Malraux pose ses documents. Sans aucune exception, meubles, fauteuils, banquettes, rideaux sont faits de la même étoffe bleue à fleurs blanches.

Car André Malraux, quelques semaines après le départ du général de Gaulle, a déménagé de la Lanterne, demeure officielle située route de Saint-Cyr, dans le parc de Versailles, et résidence de fonction du ministre des Affaires culturelles, pour venir s'installer au château de Verrières.

Cependant, quatorze mois auparavant, il a loué «pour Louise et pour lui», un appartement de cinq pièces échelonnées sur deux étages et donnant à la fois, côté façade, sur la rue Montpensier, côté cour sur les merveilleux jardins du Palais-Royal tout roucoulants de pigeons dans les marronniers.

Avant de trouver «cette perle», Louise a prospecté sur la rive droite, l'avenue Gabriel et l'avenue Matignon. Malraux, à l'inverse de la plupart des intellectuels, n'est pas et n'a jamais été un homme de la rive gauche.

Louise est nommée par André grande intendante des lieux. «Faites quelque chose qui vous ressemble», lui a-t-il dit. Elle s'est adjointe Pierre Franck pour la décoration.

Malraux habitera le troisième étage, Louise le deuxième. Les deux entrées sont indépendantes.

«Quand il m'entendra, il descendra», dit Louise.

Elle s'occupe de tout : des artisans (elle n'emploie pas le mot ouvrier), des carrelages, des peintures, de la vaisselle.

«Je veux des éviers plus profonds, dit-elle, des murs gris très tendre.»

Les placards de rangement de Malraux sont impressionnants de grandeur.

«Il me faut au moins trois robes, dit Louise. J'en mettrai quelques-unes dans ses placards.»

Le 1er mai 1969, jour de la fête du Travail, André Malraux est un amoureux libre que Louise a couvert de brins de muguet, ces éternels brins de muguet de Sainte-Unefois.

Cinq jours plus tôt, dans la soirée du samedi 26 avril, veille du référendum, Malraux avait été une fois de plus, et pour une dernière fois, le tribun du gaullisme. Dans un grand élan lyrique, il s'était écrié en conclusion :

«Napoléon a écrit : “J'ai fait mes plans avec les rêves de mes soldats endormis”. Souvent le général de Gaulle a fait des plans avec les rêves de la France endormie parce qu'il avait trouvé avec lui des Français qui ne voulaient pas dormir.» Le jour du référendum, la France a répondu «Non» à de Gaulle.


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