Image of Patrice Canette : «Malraux “l'ami génial” de Charles de Gaulle», «Pèlerin», n° 5425, 21 novembre 1986,  p. 6-8.

Patrice Canette : «Malraux “l'ami génial” de Charles de Gaulle», «Pèlerin», n° 5425, 21 novembre 1986, p. 6-8.

CanetteQuand diable, Jean Lacouture, Malraux et de Gaulle, ces deux hommes venus d'univers culturels si éloignés, si antinomiques, se sont-ils rencontrés pour la première fois ?

Lacouture — De Gaulle connaissait Malraux avant même que Malraux ne connaisse de Gaulle. Le commandant, puis colonel de Gaulle, officier influent, prestigieux mais inconnu du grand public, avait lu Malraux, La Condition humaine, qui l'avait impressionné, Les Conquérants, La voie royale… Malraux écrivain célèbre n'avait pas lu une ligne de Charles de Gaulle avant la guerre. Il en entendra parler pour la première fois quand il sera prisonnier après la défaite. A cette époque donc, l'admiration va du général vers l'écrivain. De Gaulle – il le dira à Alger en 1943 à Gaston Palewski – tient Malraux pour l'un des trois grands écrivains français de la dernière génération. Mauriac et Bernanos sont les deux autres.

Alors, quand se sont-ils rencontrés pour la première fois ? Si l'on en croit une histoire qui va bien à de Gaulle et Malraux, ces «faiseurs de mythes», le colonel de Gaulle et l'écrivain prix Goncourt Malraux auraient assisté côte à côte, en 1936, à la présentation sur triple écran de l'extraordinaire Napoléon d'Abel Gance, et tous deux se seraient levés pour acclamer ensemble le film ! Peut-être. Qui sait. Mais le tête-à-tête décisif, le tête-à-tête qui a provoqué l'alliance, il faut le situer au début d'août 1945. Malraux s'est trouvé introduit dans le bureau de Charles de Gaulle à l'issue d'une intrigue pirandellienne. «Malraux souhaite vous rencontrer», «le général vous fait demander au nom de la France» : de Gaulle n'avait jamais appelé Malraux mais fut flatté, curieux de rencontrer le grand écrivain qui se battait à la tête de la brigade Alsace-Lorraine; Malraux fut étonné. «Pas trop. J'ai tendance à me croire utile», écrira-t-il. Malraux, l'homme de 1935-1936, Malraux le compagnon de route du parti communiste, Malraux l'internationaliste, le patron de l'escadrille Espana, avait rejoint, il est vrai, un maquis gaulliste, avait formé une unité dont les thèmes mobilisateurs sont d'abord ceux de la reconquête du sol national; et quand il avait fait sa «rentrée» politique au Congrès du MLN (Mouvement de libération nationale), ce fut pour faire barrage à une politique communiste, au nom de l'indépendance nationale…


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