«Témoignage chrétien», 22 novembre 1996, n° 2733, p. 1 et 4. Maurice Chavardès : «André Malraux, un destin».

Témoignage chrétien, 22 novembre 1996, n° 2733, p. 1 et 4.

 

Maurice Chavardès

 

André Malraux, un destin

«De Bondy la Grise aux temples engloutis dans l'enfer vert des jungles cambodgiennes, de la couverture blanche de La Condition humaine, Goncourt 1933, à Teruel la Rouge des maquis du Périgord noir aux ors du ministère de la Culture, une vie, un destin».

Ainsi est présenté l'ouvrage que la collection «Découverte», chez Gallimard, consacre à André Malraux à l'occasion du transfert de ses cendres au Panthéon, le 23 novembre prochain. Christian Biet, Jean-Paul Brighelli et Jean-Luc Rispail brossent donc la vie et analysent l'œuvre de l'auteur de L'Espoir dans leur André Malraux, la création d'un destin. Né le 3 novembre 1901, Malraux est du Nord par son père, qui dirige à Paris une agence de banque américaine, et il a du sang italien par sa mère, qui, une fois séparée de son mari, vivra avec son fils à Bondy, dans la banlieue parisienne. Il dira plus tard n'avoir pas eu d'enfance. Dans ses Antimémoires, il avouera avoir «peu et mal appris à (se) créer» lui-même. «J'ai su quelquefois agir, mais l'intérêt de l'action, sauf lorsqu'elle s'élève à l'histoire, est dans ce qu'on fait et non dans ce qu'on dit.»

En réalité, il vivra davantage au niveau exalté des mots, dont il saura se servir avec un vrai génie de l'altitude. N'usant d'aucun diplôme pour se carrer dans la société (il lâchera ses études avant le baccalauréat) il deviendra un remarquable autodidacte, et brillera, à 19 ans, par ses jugements littéraires et artistiques. Pour vivre, il fait commerce de livres rares, parfois voués à l'enfer des bibliothèques comme Le bordel de Venise, attribué à Sade. Il collabore à Action, revue anarchisante. Il y rencontre Cendrars, Cocteau, Eluard et Aragon. Il rencontre aussi Clara Goldschmidt, riche héritière d'une famille juive allemande émigrée. «Sans vous, lui dira-t-il un jour, je n'aurais été qu'un rat de bibliothèque

Il va devenir pilleur de temples cambodgiens. Arrêté sur le bateau, ramené à Phnom Penh, condamné à trois ans de prison ferme, il sera libéré grâce à Clara qui mobilise à Paris personnalités intellectuelles et politiques. Changeant son fusil d'épaule, il lance, en 1925, à Saïgon, un journal pro-annamite, L'Indochine, qui brocarde le gouverneur et tous les personnages importants d'une administration frelatée. «Vous ne gouvernez la Cochinchine – écrit Malraux dans l'un de ses éditoriaux – que par la crainte, l'argent et la sûreté.» Le journal ne tarde pas à être bâillonné, ruiné. Malraux rentre en France, porteur du matériau qui va servir à l'écriture de La Tentation de l'Occident et des romans extrême-orientaux : La Voie royale, Les Conquérants, La Condition humaine.


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